Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/876

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hésité à l’employer comme il en employait tant d’autres qui avaient conspiré sa mort, qui avaient pillé effrontément partout où ils avaient passé, et qui professaient sur la délicatesse des doctrines singulièrement libérales, mais il avait formellement et définitivement jugé Malet, comme un homme sans valeur militaire et sans valeur morale. Il le laissa donc où il était, et Malet passa à la Grande-Force la fin de l’année 1808, et les premiers mois de 1809. Il y fut maintenu par délibération prise par l’Empereur, dans ses conseils secrets des 3 et 48 avril 1809.

N’a-t-il pas participé un peu plus tard à une conspiration dont l’énoncé est tellement puéril qu’on serait tenté de n’y voir qu’une fable d’un apprenti policier ? Voici ce qu’on en sait : Un nommé Sorbi, se disant Romain prétendant être venu ou avoir été envoyé d’Espagne duquel Fouché semblait avoir attendu quelque lumière sur les événements, puisqu’il l’avait fait interroger par Maillocheau, son secrétaire de confiance, puis par Desmarets, a été transféré à la Force, en septembre 1808. Durant le séjour qu’il y a fait, il a connu Malet, Gariot, Corneille et Gindre, qui y étaient tous détenus. Que se passa-t-il entre eux ? Dans un mémoire qu’il présenta par la suite au ministre de la Police, Sorbi rapporte longuement les ouvertures qui lui furent faites, et discute quel moment aurait été le plus favorable pour écrire à S. Exe. le ministre, et l’informer : « Je décidais, dit-il, de jouer un rôle convenable avec eux jusqu’à ce que j’aurais des preuves sûres pour pouvoir en faire mon rapport à Son Excellence, malgré la crainte que j’avais que la police ne fût instruite par d’autres avant moi. » Il accepta donc avec un empressement de bon aloi les déjeuners des conjurés et il eut avec Malet, « qui, par son grade, semblait le chef quoiqu’il fût le moins enragé, » des conversations qu’il jugea à propos « d’établir en forme de dialogue pour dire la pure vérité, mot pour mot, et sans détour... »

Ayant ainsi obtenu ces « vérités importantes, » Sorbi « écrivit à M. Desmarets en lui disant qu’il avait quelque chose à lui communiquer qui regardait l’État. » Desmarets le fit chercher, et enregistra ses dires de sa propre main. Depuis lors, Sorbi paraît avoir accepté une version où le rôle que Malet devait jouer était davantage développé, mais dont on ne trouve pas trace dans ses notes. La voici : Malet, s’échappant de la Force le dimanche 29 juin, devait se présenter en grande tenue,