Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/878

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

développant en équerre sur les deux rues et accompagnée d’un grand enclos. On y trouvait une vie confortable, « une espèce de bien-être qui ne pouvait que concourir à l’amélioration de la santé, » une demi-liberté qui allait jusqu’à tolérer les sorties clandestines et qui autorisait toutes les visites sans aucun contrôle ; une société choisie où figuraient, en dehors des malades, MM. de Polignac, le marquis de Puyvert, M. Bertier de Sauvigny, l’abbé Lafon : c’étaient bien des avantages. L’ancien aide de camp du prince de Broglie, le protégé du vicomte de Beauharnais et du duc de Biron, ne pouvait manquer de se plaire en une société qui correspondait à ses anciennes habitudes ; mais il tenait à la liberté pour bien des raisons, dont la première était sans doute la difficulté, sinon l’impossibilité, de payer sa pension.

Sa femme et lui multiplient vainement les requêtes aux ministres. Tantôt Mme Malet, prenant les choses du côté léger (14 mars), s’étonne que son mari soit « détenu pour quelques propos indiscrets ; » tantôt Malet entreprend l’apologie de sa conduite depuis l’Empire : de sa conduite en Charente, en Vendée, dans les États pontificaux. « Puisqu’elle est méconnue, écrit-il à l’Empereur le 3 juillet, ou que peut-être les services que j’ai été assez heureux de rendre à Votre Majesté ne sont jamais parvenus à sa connaissance, je crois utile de les lui retracer le plus brièvement possible, d’y joindre ci-après le mémoire en la suppliant d’y donner un instant d’attention ; » et, exposant qu’il ne s’est pas seulement « renfermé dans les bornes de son devoir, mais qu’il a saisi toutes les bonnes occasions de prouver à Sa Majesté son zèle et son dévouement, » il demande l’autorisation de se retirer à l’Ile-de-France où une de ses belles-sœurs était établie, et d’y toucher sa solde de retraite.

Il adresse le même jour à Savary, successeur de Fouché, une lettre analogue où il invoque « le zèle et le dévouement qu’il a apportés dans tous les temps à servir Sa Majesté ; » il demande, le 9, au préfet « de bien vouloir faire un rapport favorable à S. Exe. le ministre de la Police, pour faire terminer une affaire que, dit-il, vous jugez comme moi, avoir duré bien longtemps. » Le 10, Mme Malet écrit au ministre, qui s’est retranché derrière la décision prise par Fouché, et elle essaie d’élever un conflit entre Savary et son prédécesseur. « Le duc d’Otrante, dit-elle, compromis lui-même par les intrigants