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Bossuet montrerait là, en termes saisissants, le bras de Dieu.

Un Foch est, nous le savons, un de ces « croyants » dont il a écrit qu’ils « sont rares. » Mais il est de ceux qui ne se perdent point en rêveries mystiques et pratiquent l’Aide-toi, le ciel t’aidera qu’a formulé, aux âges de foi, le bon sens populaire. Ceux qui l’entouraient assurent qu’il n’était ni consterné ni même très ému. Aussi bien en a-t-on une preuve sensible dans la fermeté froide de ses décisions même. Jusqu’au 29 au soir, l’opération allemande ne lui apparaissait encore que comme une puissante diversion et il avait raison puisque, jusqu’à la nuit du 28 au 29, elle n’était que cela. Le Grand Quartier français, fort légitimement ému par l’événement, avait assurément le droit de crier vers le Nord : « Varus, rends-moi mes légions ! « Il voyait en effet son front attaqué, brisé, une de ses armées en fort mauvais arroi, le dispositif général menacé de rupture ; il réclamait toutes ses armées, celle de Flandre, celle d’Artois, celle de Beauvaisis, les divisions de Mitry, celles de Maistre, celles de Micheler. Mais l’avantage d’un commandement unique est précisément de donner à qui l’a reçu la vision des ensembles. On ne voit juste que quand on voit large. Le groupe du prince Ruprecht, opposé aux armées Franco-britanniques au Nord de la Somme, restait menaçant ; pas une division n’avait été prélevée sur lui en vue de l’offensive du Kronprinz de Prusse. La bataille était donc encore possible en Artois et, en dépit des circonstances qui étaient graves, l’enjeu d’une bataille au Nord de la Somme restait plus sérieux que celui-même que les Allemands pouvaient espérer enlever au delà de la Marne.

Raisonnablement, Foch avise Haig qu’il va être forcé de retirer du front au nord de la Somme la plus grande partie des troupes françaises ; il importe donc que l’état-major britannique se constitue par ses propres moyens une réserve générale. Mais, en dépit des réclamations de l’état-major français, il décide provisoirement le maintien de Maistre et de ses quatre divisions au sud d’Arras ; car il ne faut point d’un mal tomber dans un pire. Mitry lui-même ne serait pas brusquement retiré avec toute son armée des Flandres : se mettant sur la défensive, ce n’est que peu à peu qu’il renverrait vers le front français ses divisions ; l’état-major belge était simplement, le 29, invité à étendre son front jusqu’à Ypres pour soulager les