Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Alliés. Ce jour-là, ne perdant de vue aucun des deux fronts, celui d’Artois pas plus que celui de la Vesle, le général en chef se contentait de rapprocher les divisions de Maistre des quais d’embarquement ; mais depuis vingt-quatre heures, l’état-major de la 5e armée (Micheler) avait quitté Méru pour aller prendre le commandement d’un groupe de divisions que Gouraud, commandant la 4e armée, venait de former pour occuper solidement la montagne de Reims. Foch appelait encore vers la Marne la 3e division américaine. Enfin, le 30, éclairé par les faits mêmes sur les nouvelles intentions de l’état-major allemand, il avertissait le maréchal Haig qu’il allait décidément porter la 10e armée française à gauche de la 6e (dans la région de Villers-Cotterets et de Compiègne) : l’armée britannique même, si la bataille prenait sur la Marne une extension plus considérable encore, serait peut-être appelée à intervenir par ses réserves ; en attendant, elle étalerait, par un renforcement de sa gauche, l’armée Debeney sur laquelle certaines divisions pourraient ainsi être prélevées.


La bataille exigeait ces mesures. Une phase nouvelle avait commencé le 29 mai au matin. Conformément aux résolutions prises le 28 au soir, l’armée allemande, franchissant la Vesle, pointait droit sur la Marne, tandis qu’aux ailes l’effort se magnifiait en vue d’exploiter la chute de Soissons et d’amener celle de Reims. A ces tentatives le Grand Quartier général français entendait bien maintenant faire obstacle : le général Pétain apercevait clairement que l’essentiel était de défendre contre toute attaque les abords ou tout au moins les lisières de la forêt de Villers-Cotterets et c’était cette pensée qui, depuis quarante-huit heures, incitait Maud’huy à se cramponner en avant de la forêt avec les débris de son malheureux 11e corps ; tant que, de ce côté, comme du côté de Reims, nos troupes tiendraient bon, la poussée vers la Marne, si dangereuse qu’elle fût pour nous, ne pouvait grandement inquiéter ; j’ai dit tout à l’heure que, faute d’élargir les entrées de la poche créée, l’Allemand, en s’engageant vers la Marne, allait peut-être à une aventure. La directive de Pétain du 28 mai prescrivait donc avant tout la constitution d’une ligne solide de défense entre Arcy-Sainte-Restitue (au Nord de Fère-en-Tardenois) et Chaudun