Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/886

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’était en Bretagne que Lafon avait rencontré un nommé André Boutreux, lors « d’une réunion qui avait lieu tous les dimanches dans une église de Rennes. » Lafon, simple diacre, « y prononça un discours qui fut fort approuvé. » Il accueillit Boutreux, avec lequel il continua des relations. Boutreux était d’une famille obscure d’Angers. Son père, ouvrier dans les ardoisières, était mort de bonne heure. Sa mère était revendeuse. Son frère ainé avait été élevé, aux frais de quelques personnes charitables, au collège de Beaupréau où il était resté comme professeur. André avait reçu la même éducation à Beaupréau et de même avait été gardé comme régent. Il avait quitté vers 1803 pour entrer à Nantes, chez M. Digeon, marchand de coton et d’indigo, propriétaire d’une filature. De là, peut-être pour obtenir la main de Mlle Digeon, il travailla chez un avocat ; puis, il se rendit à Rennes pour suivre des cours de droit ; il vint enfin à Paris, où il gagnait sa vie en faisant des éducations. Ainsi en 1809, avait-il été précepteur chez M. de Borie à Courcelles, près Pontoise, puis chez M. Guillemin ; enfin cherchait-il une place chez M. Dufresne de Beaucourt, maire de Marcheleuer près Amiens. On a dit qu’il était fort simple et d’une intelligence médiocre. Ce n’est point l’impression qu’il avait laissée à Beaupréau où « il a fait preuve de beaucoup de moyens et d’une très mauvaise tête. » Il était fort pieux et pratiquant, ayant pour confesseur un prêtre nommé Des Mares, professeur chez Liautdar.

Après Boutreux, Lafon procure Rateau. Jean-Auguste Rateau était aussi des congréganistes de l’abbé Lafon dont il était le compatriote et qu’il venait voir assez souvent chez Dubuisson. Agé pour lors de vingt-huit ans, depuis cinq ans au service dans la garde de Paris, il n’avait atteint qu’au grade de caporal, mais il était « plein d’ambition. » Il rêvait d’un avancement « digne de la famille Rateau ». D’ailleurs, il aimait bien manger et boire, et sans doute poussait-il loin la crédulité, car la plus haute fortune militaire ne l’eût point étonné.

Était-il aussi dénué de relations qu’on penserait à le voir, dans sa naïve ambition, ajouter pleinement foi aux promesses d’avancement faites par un général destitué et emprisonné, rencontré dans une maison de fous. On sourit lorsqu’on l’entend dire : « Je suis connu pour un brave militaire et pour un