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honnête homme, comme appartenant à une bonne famille sur laquelle il n’y a pas un mot à dire. J’appartiens à la famille Rateau. »

il a peut-être des relations plus puissantes qu’on ne penserait. Quant à Malet, il lui est d’une incontestable utilité, car il connaît les noms et les adresses de tous les officiers de la Garde. Ensuite, il faut prendre garde qu’entre le prêtre et le général, entre sa foi et son ambition. Rateau est un instrument dont on peut jouer sans crainte, au moins tout le temps qu’on aura la chance pour soi.

Reste à trouver un lieu sûr pour les derniers conciliabules qu’on ne peut tenir chez Dubuisson. C’est encore Lafon qui le fournit. Lafon a connu à La Force un prêtre espagnol, Joseph-Marie-Fernandez de Caamano, lequel a été arrêté à Chambéry au mois d’avril 1808, comme se dirigeant vers l’Italie, quoique porteur d’un passeport pour Paris. Il a raconté tant d’histoires contradictoires qu’il a paru justement suspect. Transféré de Chambéry à Paris, en février 1809, maintenu en détention par décision de l’Empereur prise au Conseil privé du 9 juillet 1811, Caamano a été libéré sur l’intervention de Lafon qui a décidé l’abbé Claude Sombardière (ou Sembardière) trésorier de Notre-Dame, greffier de l’Officialité métropolitaine, et en quelque sorte aumônier de la Maison Dubuisson, à répondre de lui. L’élargissement de Caamano a été prononcé au Conseil privé du 3 mai 1812. L’abbé Sombardière a accueilli d’abord Caamano chez lui, puis il l’a placé à Saint-Gervais, où le curé lui a procuré, à 10 francs par mois, une petite chambre rue des Juifs, n° 10. Mais Lafon l’a fait déménager. Un jour que Caamano est venu le voir, il l’a invité à chercher un logement dans les environs de la Place des Vosges, pour un ecclésiastique qui demeurerait avec lui. Caamano a trouvé trois chambres à louer cul-de-sac Saint-Pierre, au prix de 37 fr. 50 pour un demi-terme. Il a rendu compta que c’était très cher ; mais Malet a déclaré que cela n’avait aucune importance, et Lafon lui a remis les 37 francs 50, après toutefois qu’il eut envoyé pour visiter les lieux un des jeunes gens, — Boutreux, — qui fréquentaient chez Dubuisson. Lafon a obtenu que Caamano dit et touchât ses messes à Bonne-Nouvelle au lieu de Saint-Gervais, et comment alors, Caamano cùl-il, à ce bienfaiteur, refusé l’hospitalité durant une heure ou une nuit ? D’ailleurs il