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un général Lamothe, délégué par le général en chef Malet.

Ne serait-il pas en effet par trop insolite qu’un général commandant en chef vînt lui-même dans la cour d’une caserne, se livrer à d’aussi médiocres besognes. Le général Lamothe, après avoir joué cette scène capitale, rentrera dans la coulisse. Ce sera un général qui, à la tête de la dixième Cohorte, s’arrêtera devant la Force et exigera la mise en liberté immédiate des prisonniers d’État et des officiers généraux détenus, dont Ducatel a fourni les noms. Il est deux de ces généraux auxquels Malet, sans leur avoir rien confié, accorde pleine confiance et qu’il introduit dans son drame du premier coup ; pour chacun d’eux, Lahorie et Guidal, un paquet est prêt [1] ; Victor Fanneau de Lahorie a réputation d’intégrité et de droiture. Il a été l’ami d’Alexandre de Beauharnais. Il était en 1800 chef d’État-major de Moreau, à la fortune duquel il s’est attaché ; il en a partagé les vicissitudes, et, comme complice de la conspiration de l’an XII, il a été condamné à mort par contumace. Caché durant six ans chez Mme Hugo, arrêté en 1811, détenu à Vincennes, il a accepté ou subi l’exil aux États-Unis. Il est sur son départ, et peut-être Malet le sait-il. D’ailleurs, il n’a point rencontré Lahorie depuis dix ans.

Il n’a jamais vu Guidal, officier de l’ancienne armée, rentré au service en 98, promu adjudant-général, commandant en l’an VI les troupes de l’École militaire, destitué une première fois pour intempérance et excès de pouvoir : général de brigade, par la faveur de Barras qui, dit-on, prisait sa femme ; employé dans l’Orne où il a été mêlé à l’affaire de Frotté [2], réformé et destitué en l’an X ; retiré à Grasse, où il voyait souvent l’ex-directeur Barras, il a établi des rapports avec les Anglais, pour « être chargé de la correspondance entre le parti royaliste dans le Midi de la France, et la flotte anglaise devant Toulon, et pour porter diverses instructions aux partisans du Roi ; il a été employé dans le même objet pendant toute la durée du commandement de l’amiral lord Eymouth, commandant en chef la flotte de S.-M.-B. dans la Méditerranée,

  1. Malet a pensé d’abord à faire libérer Laliorie et Guidal par Soulier commandant la 10e Cohorte ; il n’y a renoncé qu’au dernier moment, trouvant la chose trop hasardeuse.
  2. On peut croire qu’il lui a dressé un guet-apens ; sa veuve dira qu’il était d’accord avec lui pour ramener les Bourbons.