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échec : « Comme je vois avec assez de chagrin, lui écrivait-il, que mes uniformes ne me seront plus nécessaires, j’ai pensé qu’un peu d’argent me serait plus utile. Je t’adresse donc, ma chère amie, une personne avec laquelle j’ai pris des arrangements pour lui vendre tout ce qui me reste d’habits, chapeaux, ceinturons, sabres et épées : tu remettras donc tous ces objets au porteur de ma lettre. Il est encore heureux dans la circonstance de trouver cette ressource. »

Mme Malet lui ayant remis la malle, Boutreux la porta sur un fiacre chez Caamano, cul-de-sac Saint-Pierre. Il retourna à la Maison Dubuisson où il dîna avec Malet et Lafon. Il se retirait sur les sept heures du soir, et « les Messieurs, » comme de coutume, vinrent l’accompagner dans la rue. Après avoir dépassé la porte, l’abbé Lafon dit à Boutreux : Allons voir la maison de Caamano. Ils firent quelques pas ensemble, et Boutreux s’aperçut que Malet ne les avait pas suivis. — Bah ! lui dit Lafon, il connaît la carte, il est allé en reconnaissance, il viendra nous rejoindre. Arrivés chez Caamano, ils donnèrent à la femme Henry qui faisait le service du prêtre, Lafon, dix francs, et Boutreux, cinq francs, pour qu’elle allât leur chercher à manger, et ils attendirent. Au bout d’une grande demi-heure, on frappa à la porte. C’était Malet. Boutreux prit une chandelle pour l’éclairer, et alla lui ouvrir la porte ; au même moment arriva la femme Henry portant les vivres qu’on l’avait envoyé chercher. Malet passa dans la seconde pièce, où il fut rejoint par Lafon. Il y eut un colloque d’une heure et demie, entre lui, Lafon et Boutreux, et celui-ci assure que Malet dit alors : « Non, l’on serait inquiet, il est trop tard. » Tous trois sortirent, laissant là les victuailles auxquelles, quelques jours plus tard, Caamano n’avait point encore touché. Boutreux suivit Malet et Lafon jusqu’à la Place des Vosges ; il leur proposa de les accompagner plus loin, et sur leur refus, il les quitta.

Que le coup eût été fixé à cette même nuit, on en a la preuve par les bons au porteur dont le corps est de l’écriture de Boutreux, et qui portent la date du 11 octobre.

Il n’est pas interdit de supposer que, par quelque accident, Rateau qui, avant de jouer le rôle d’aide de camp, devait apporter le mot d’ordre, n’avait pu sortir de la caserne. Cette remise permit de soigner quelques détails qu’on avait négligés. Boutreux fut envoyé au Palais-Royal pour y acheter, avec l’argent