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dès qu’une résistance sérieuse se produisait, celui-ci s’arrêtait.

Les 29 et 30, de fortes attaques sur le front Micheler, à l’ouest de Reims, avaient été repoussées ; le général Pelle à la tête d’un groupement de fortune faisait front très énergiquement au centre de la 5e armée. Et l’ennemi, devant ces troupes, cependant fatiguées, cédait et stoppait.

Le caractère improvisé qu’avait pris la bataille du côté allemand depuis le 29 mai avait, aussi bien, pour conséquence une certaine incoordination dans les mouvements et le Grand Quartier impérial allait, pour la seconde fois, modifier son plan dont il commençait à apercevoir le côté périlleux.


Le général Foch s’était, de sa personne, porté à l’arrière de la bataille ; il avait vu, après le général Pétain, le général Duchêne ; son rôle à la vérité devait, jusqu’à nouvel ordre, se borner à recommander qu’on tint ferme où l’on était. Prévoyant que l’ennemi, hasardé dans la poche creusée, allait porter son effort, au Nord-Ouest, sur la région des forêts, forêts de l’Aigle, de Compiègne et de Villers-Cotterets, le généralissime avait porté la 10e armée dans cette région : le général Maistre, accouru d’Amiénois, s’installait à Chantilly-Lamorlaye et allait prendre, le 1er juin, le commandement du front entre Moulin-sous-Touvent et Faverolles. On avait prévu juste : c’est contre lui qu’allait se faire — et échouer — la dernière tentative de l’ennemi. Et ce serait le dernier acte du drame de l’Aisne.

Le 31 mai, une nouvelle conférence avait eu lieu, dans la région de Fismes, entre l’Empereur, Hindenburg et Ludendorff : le lendemain, on lut aux troupes l’ordre concis qui suit : « Sur le désir de Sa Majesté et de Son Excellence le maréchal Hindenburg, l’offensive sera continuée. » Mais cette offensive devait de nouveau changer d’objectif. La poussée vers la Marne avait absorbé toutes les réserves des corps allemands du centre ; la résistance que nos troupes avaient opposée entre Soissons et l’Ourcq, les réactions qui déjà s’étaient produites, faisaient apercevoir le danger où se mettait l’armée allemande en allongeant le bras vers la Marne, tandis que, à l’ouest de Reims et à l’est de la ligne Soissons-Neuilly Saint-Front, elle ne parvenait pas à forcer les parois de la poche : celle-ci s’approfondissait sans s’élargir et, en outre, depuis le matin du 29, la résistance des