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que nous serons plus sobres et que nous éviterons les gaspillages. C’est une tendance qui n’est que trop naturelle, après une tourmente comme celle que nous venons de traverser, que de vouloir jouir de la vie et ne pas regarder de près aux dépenses. Il le faut cependant. Nous ne pouvons pas, en ce moment, donner une meilleure preuve de patriotisme qu’en économisant, du bas au haut de l’échelle sociale. Personne ne songe à se restreindre, et cependant ce serait un devoir patriotique que de chercher, sur tous les terrains, à supprimer tout ce qui est inutile, ou au moins tout ce dont on peut se passer sans inconvénient grave.

Nous ne demandons pas que le gouvernement intervienne pour réglementer ces matières. C’est à la libre volonté des citoyens que nous faisons appel. Los hommes et les femmes qui, pendant la guerre, ont donné de si admirables exemples de complet dévouement à la patrie, sont assurément capables de l’effort infiniment moindre que nous sollicitons à cette heure. S’ils ne l’ont pas fait jusqu’ici, c’est qu’on ne leur en a pas expliqué la nécessité. On ne leur a pas dit que beaucoup des objets qu’ils consomment viennent du dehors, et qu’en les payant, nous appauvrissons nos réserves nationales ; que le charbon qui alimente nos usines à gaz et d’électricité, nos locomotives, est pour la majeure partie importé et fait sortir de France des sommes d’argent croissantes. C’est une partie de notre substance que nous dévorons en brûlant la houille anglaise, en important des étoffes de luxe ou certains articles manufacturés qui répondent à des besoins sinon factices, du moins secondaires, et dont la satisfaction pourrait être retardée sans aucun inconvénient.

On voit comment cette question des dépenses personnelles de chacun de nous est liée à celle du change. Il faut l’envisager dans toutes ses répercussions et ne pas s’imaginer, par exemple, qu’en consommant de la viande française on échappe à l’inconvénient que nous avons signalé. Comme le troupeau national ne fournit pas à lui seul tout ce que réclament en ce moment les consommateurs, il faudra importer d’autant plus de bétail sur pied ou de viande frigorifiée que les prélèvements sur le cheptel français auront été plus considérables.

Obtenir à l’étranger des crédits qui retardent le paiement des objets importés n’est qu’un palliatif : c’est retarder l’exécution