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les recevoir en paiement de leurs créances, le fossé se creuse entre le papier et le métal, qui, dans un régime bien ordonné, circulent côte à côte et sont acceptés au pair, indifféremment. C’est sur le marché des changes que l’effet se fait sentir tout d’abord, parce que c’est là que sont mis en présence le billet indigène à cours forcé et les billets étrangers remboursables en or, ou bien contenus dans des limites telles, par rapport aux stocks métalliques qui les garantissent, que la reprise des paiements en espèces,-à une époque peu éloignée, est considérée comme une certitude. Un parallélisme significatif s’est établi entre le gonflement de notre circulation fiduciaire et la hausse de nos changes sur l’étranger, qui démontre l’influence qu’exerce la première sur les seconds.

C’est ici que le problème du change apparaît dans l’étroite relation où il se trouve avec celui des finances publiques. Quelle est en effet la cause de ces émissions incessantes de billets ? Ce ne sont pas les besoins du commerce. Le portefeuille d’escompte de la Banque de France, en y comprenant la solde des effets moratoriés depuis le mois d’août 1914, ne dépasse pas un milliard et demi de francs ; les avances s’élèvent au même chiffre. La circulation s’est accrue exclusivement pour fournir des ressources au Trésor public, qui continue imperturbablement à couvrir les déficits budgétaires en grossissant sa dette flottante vis-à-vis du public par l’émission de bons à court terme et vis-à-vis de la Banque en lui demandant des billets.

L’analyse des sources du mal nous indique les remèdes. Nous avons expliqué ce qu’il convient de faire en matière d’importations. La voie à suivre en matière de circulation fiduciaire est encore bien plus facile à tracer. Il est évident qu’il faut en contracter le volume et prendre à cet effet des mesures énergiques. L’Etat dépense infiniment trop. Depuis un an, la surenchère électorale a fait voter par le Parlement une série de lois qui entraînent des charges supplémentaires annuelles de plusieurs milliards. Si respectables que soient les buts poursuivis, tels que l’amélioration du sort des fonctionnaires, ils ont été terriblement dépassés. On a notamment commis la fauté de consolider des augmentations qu’il eût été possible d’accorder à titre temporaire, en se réservant de les réviser si, comme nous devons l’espérer, le prix de la vie baisse dans l’avenir.