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qui, pour obtenir 100 francs François, ne débourse aujourd’hui que 60 francs de sa monnaie nationale. L’un des premiers résultats de l’opération devant être d’améliorer nos changes, il peut entrevoir, dans un avenir plus ou moins lointain, le jour où le franc suisse sera au pair avec le nôtre et où il verra ses 60 francs reprendre une valeur de 100 francs.

En même temps que nous emprunterons, il nous faudra établir de nouvelles taxes et augmenter certains de nos impôts actuels. Les sommes que l’Allemagne nous doit et qui grossiront au cours des prochains exercices, nous permettront d’accélérer l’amortissement de nos dettes et d’améliorer notre situation financière. Celle-ci doit avoir une répercussion immédiate et profonde sur le marché de nos changes. N’oublions pas d’ailleurs que la hausse de ces derniers porte, dans une certaine mesure, son remède en elle-même : elle constitue une prime puissante à nos exportations. Le Français qui, il y a cinq ans, vendait pour 1 million de dollars de marchandises aux Américains recevait en échange 5 millions de francs. La même opération lui en procure aujourd’hui 0. Inversement, l’Américain qui achetait en 1913 des objets en France pour 1 million de francs devait consacrer à cet achat 200 000 dollars. Aujourd’hui il lui suffit d’en débourser 111 000 pour se procurer 1 million de francs. Il est vrai que ce million de francs n’a plus le même pouvoir d’achat qu’il y a 6 ans ; et c’est pourquoi l’avantage donné aux exportateurs français et aux importateurs américains est plus apparent que réel. En tout cas, il ne compense pas, pour l’ensemble de la nation, les maux qui résultent d’un change déprécié, d’un change instable. Et tous nos efforts doivent tendre à rétablir ce change au pair, c’est-à-dire à restituer au franc sa valeur d’égalité avec le dollar, avec la livre sterling, avec les monnaies des nations qui ont conservé au billet la plénitude de sa valeur vis-à-vis du métal.

Certains réformateurs ont parlé de modifier la valeur du franc, de diminuer le poids d’or qu’il représente. C’est une solution qu’avait déjà imaginée Philippe le Bel, qui est resté connu dans l’histoire sous le nom du roi faux-monnayeur, et à qui le peuple n’a pas gardé un souvenir reconnaissant de cette altération monétaire. L’Autriche -Hongrie, en 1892, avait ramené la valeur de .son florin de 2 fr. 50 à 2 fr. 10 ; la Russie, en 1897, avait diminué celle du rouble de 4 francs à 2 fr. 67.