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désirons. Seule la connaissance absolue, indéniable, que nous sommes liés tous deux par le traité à nous donner une aide mutuelle, pourrait décider la France à exercer une pression sur l’Angleterre pour la décider à rester tranquille et en paix par peur de placer la France dans une situation dangereuse. Si la France savait qu’un accord germano-russe est simplement en préparation et pas encore signé, elle avertirait immédiatement l’Angleterre son amie, — et peut-être son alliée secrète, — à laquelle elle est liée par l’Entente cordiale. Le résultat serait évidemment une attaque immédiate de l’Angleterre et du Japon contre l’Allemagne en Europe aussi bien qu’en Asie. Son immense supériorité navale aurait vite raison de ma petite flotte et l’Allemagne serait temporairement paralysée.

« Cela romprait l’équilibre du monde à notre mutuel désavantage, et ensuite, lorsque tu commencerais tes négociations de paix, cela te mettrait à la merci du Japon et de ses amis triomphants de t’avoir accablé. C’était mon vœu spécial et, si je t’ai bien compris, également ton intention de maintenir et de renforcer l’équilibre menacé du monde par cet arrangement entre la Russie, l’Allemagne et la France. Cela n’est possible que si notre traité devient un fait accompli avant, et si nous sommes parfaitement d’accord sur tous les points. Un avertissement préalable à la France mènerait à une catastrophe. Si cependant tu jugeais impossible de conclure un traité avec moi sans le consentement préalable de la France, alors il vaudrait mieux s’abstenir de conclure aucun traité. Naturellement j’observerai un silence absolu au sujet de nos pourparlers et tu en feras autant. De même que tu n’en as informé que Lamsdorff [1], je n’en ai parlé qu’à Bülow qui garantit le secret absolu. Nos relations et sentiments mutuels demeureront comme par le passé, et je continuerai d’essayer de t’être utile dans la mesure où ma sécurité me le permettra. Ton accord de neutralité m’a été communiqué par l’empereur d’Autriche et je te remercie de ton télégramme m’en prévenant également. Je trouve l’accord [2] très sensé et il a ma pleine approbation.

Meilleures affections. »

  1. En réalité, le comte Lamsdorff, ministre des Affaires étrangères russe, n’avait pas été mis par l’empereur Nicolas au courant du projet de traité.
  2. Il s’agit ici d’un accord secret conclu l’année précédente entre la Russie et l’Autriche et dont il sera question plus loin.