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résultat en est à peine connu au moment où ces lignes sont écrites. On peut avancer cependant qu’elles se ressentent à la fois du courant qui a marqué les élections législatives du 16 novembre et des courants parfois un peu différents qui ont caractérisé les élections municipales et cantonales. Le 16 novembre les électeurs avaient manifesté une volonté de renouvellement, dont les radicaux et les socialistes avaient grandement souffert. Dans les scrutins qui ont suivi, radicaux et socialistes ont fait un effort pour conserver leurs positions ; ils ont même rétabli dans certaines régions l’ancien pacte qui a jadis eu sur notre politique une si mauvaise influence et qui faisait du parti radical l’allié et le serviteur du parti révolutionnaire. Par l’effet de ces coalitions, les élections municipales et cantonales ont donné une impression d’ensemble moins nette que celles du 16 novembre, et les collèges formés de tous ces nouveaux élus, députés, conseillers municipaux et généraux, qui sont chargés de nommer les sénateurs, ont été, dans quelques départements, assez divisés. Jusqu’à quel point cette situation a-t-elle agi sur les élections sénatoriales ? C’est ce qu’une analyse minutieuse du scrutin qui n’est pas encore possible aujourd’hui permettra seule de déterminer. Le résultat essentiel, c’est que la Haute Assemblée, par sa composition et par ses tendances générales, puisse utilement collaborer avec la nouvelle Chambre et seconder l’œuvre que les députés se sont déjà montrés capables d’accomplir. Elle n’en aurait sans doute pas été incapable telle qu’elle était constituée avant le scrutin. Mais elle y sera mieux disposée encore après avoir senti par l’effet d« l’élection ou de la réélection, la volonté nouvelle du pays. Après la guerre, le Sénat n’avait pas moins besoin que la Chambre d’être vivifié par une consécration des électeurs. Depuis une quinzaine d’années, il avait pu garder sa réputation d’assemblée sage et pondérée, surtout grâce au prestige qu’il devait à la présence parmi ses membres des plus illustres parlementaires. En réalité, il n’a pas été pendant cet espace de temps à l’abri de quelques erreurs. Tout à fait dépourvu d’esprit révolutionnaire, il était fortement soumis à l’esprit de parti. Il lui est arrivé de voter par entraînement des lois dont il savait les défauts. Il lui est arrivé aussi en revanche de résister obstinément à la Chambre quand elle a voulu, pour améliorer les mœurs électorales, modifier son mode de scrutin, et il est allé dans cette occasion jusqu’à commettre un acte d’audace rare dans son histoire en renversant un ministère. Bien que les grands courants d’opinion, par la volonté même de la constitution, se fassent moins sentir dans les élections sénatoriales que dans les législatives,