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place de Chaumette et Jacques Legrand en remplacement d’Hébert. Sur quoi la Commune, prudente, mais peu fière, décida « qu’elle se rendrait le lendemain en masse à la Convention nationale pour la féliciter sur les mesures vigoureuses prises à l’effet de déjouer les projets des conspirateurs. » Hébert et Chaumette étaient enterrés avant d’être morts.

Les choses ne traînèrent pas : le 24, le Père Duchesne, perclus d’épouvante, est traîné à l’échafaud ; le 5 avril, c’est le tour de Danton et de ses amis, convaincus, eux aussi, d’avoir tenté « le rétablissement de la monarchie, la destruction de la représentation nationale et du gouvernement républicain ; » le 10 du même mois commence le procès de Chaumette, rapidement bâclé, comme les précédents. Il semble que l’ex-procureur de la Commune n’avait pas encore perdu tout espoir de sauver sa tête, soit qu’il comptât sur un regain subit de sa popularité abolie, soit qu’il entrevit prochaine la probabilité de cette restauration monarchique, hantise de tous les politiciens d’alors et dont on l’accusait d’être le principal fauteur. À la prison du Luxembourg, très penaud et piteux d’abord, il avait accepté bientôt avec assez de bonne grâce et même de l’esprit les railleries des aristocrates emprisonnés. Il comptait sur un revirement proche : on vit, dans la cour de la prison, sa femme lui faire de loin signe que « tout allait bien ; » et des témoignages recueillis il ressort que, au Luxembourg même, se poursuivait le complot « d’assassiner les membres du Comité de Salut public, les patriotes, et de placer le Petit Capet sur le trône, » Même Fouquier-Tinville assura que, dans la nuit précédant la comparution de Chaumette devant le Tribunal, « se manifestèrent dans différentes maisons d’arrêt de Paris des mouvements de sédition et de révolte au cours desquels on avait crié Vive le Roi ! » À moins de considérer le Tribunal révolutionnaire comme un abattoir, il faut bien prendre au sérieux ces incriminations et ces dépositions ; les autres griefs invoqués, tels que l’accusation de prêcher l’athéisme et d’affamer Paris, demeurant des plus vagues et figurant seulement pour enfler le réquisitoire. C’est bien pour avoir formé le dessein « de rétablir la Royauté et de donner u-n tyran à l’État, » que Pierre-Gaspard dit Anaxagoras Chaumette, « reconnu auteur et complice de cette conspiration, » s’entendit condamner à mort. En supposant qu’il fût effectivement coupable de ce