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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




S’adressant, l’autre jour, à l’Association de la Presse étrangère, M. Paul Deschanel disait avec force : « Le plus grand mal qui pourrait arriver à l’Europe et au monde, c’est que les Alliés laissassent se détendre les liens qui les ont unis dans la plus formidable crise de l’histoire et qui leur ont permis d’en sortir victorieux. » Vérité qu’on ne saurait se lasser de répéter et qui doit commander aux gouvernements alliés et associés leur conduite quotidienne. Car, si nous sommes, « sortis victorieux de la guerre, » « la plus formidable crise de l’histoire » est encore loin d’être terminée et les efforts que nous avons à faire pour en assurer l’heureuse solution ne le cèdent peut-être pas à ceux que nos armées ont, pendant y lus de quatre ans, accomplis sur les champs de bataille. À l’heure où l’humanité est travaillée par tant de besoins nouveaux et cherche à talons les voies de l’avenir, il serait aussi funeste pour la France d’être isolée de ses amis que d’être elle-même divisée.

Je rencontre de bons Français qui se désolent et qui, devant les difficultés actuelles, désespèrent de nos alliances. « Voyez, disent-ils, où nous en sommes. Depuis de longs mois, en Asie Mineure, nous nous heurtons partout à l’Angleterre. M. Wilson nous a si complètement oubliés qu’il ne nous retrouve plus aujourd’hui que dans le brouillard d’un rêve et nous confond avec l’Allemagne au point de nous accuser d’impérialisme. L’Italie, pour l’amour de qui nous avons mécontenté le Président des États-Unis, vient demander au Conseil suprême économique que notre indemnité de guerre soit fixée « forfaitairement avec la plus grande modération. » De quelque côté que nous nous tournions, nous n’apercevons plus que des visages indifférents et des regards qui nous fuient. Comment/du reste, en serait-il autrement ? Après la signature de la paix, chacun [1]

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