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volonté, et jusqu’à ce qu’on ait mêlé de l’extrait de thyroïde à leurs aliments. Ces grenouilles restent donc effectivement plus longtemps « jeunes, » ou, pour mieux dire, elles deviennent moins rapidement « adultes, » par la suppression de leurs sécrétions thyroïdiennes. Mais est-ce là un élixir de jeunesse dont il faille souhaiter l’emploi, et ne devons-nous pas, au contraire, nous rappeler que les accidents produits chez l’homme par l’altération de la thyroïde, et notamment le crétinisme, s’ils sont, en réalité, la prolongation d’un état infantile, ne sont nullement des choses enviables ? L’espèce particulière de « jeunesse » procuré par l’élixir de longue vie si fallacieusement prôné par les journaux anglais, n’a que de lointains rapports avec celle que, moyennant la vente de son âme, Faust obtint de Méphistophélès. On évitera soigneusement le contact d’une fontaine de Jouvence de ce genre. L’infantilisme n’est pas la jeunesse ; le contraire est peut-être vrai, et ce n’est pas sans raison qu’on dit de certains vieillards, dont la sclérose cérébrale est très avancée, qu’ils « tombent en enfance. »

Bien d’autres circonstances peuvent d’ailleurs influer sur le développement des animaux, et en particulier des batraciens, et c’est ainsi que M. Paul Gervais a maintenu à l’état de têtard une grenouille jusqu’au voisinage de l’état adulte, rien qu’en la plaçant dans un vase plein d’eau dont elle ne pouvait pas escalader les parois.

En revanche, d’autres expériences, qui sont en quelque sorte la contre-partie des précédentes, ont conduit à des résultats bien curieux. Tout d’abord, on a constaté que, chez certains animaux inférieurs qui se reproduisent en se subdivisant, la vitesse de cette subdivision est accrue de 50 pour 100 lorsqu’on ajoute de l’extrait de glande thyroïde à leur milieu nutritif. Ainsi l’animal monocellulaire appelé paramecium peut prodluire, grâce à cet extrait, 4 096 rejetons dans le temps qu’il lui fallait pour en produire normalement 256. Cela est déjà bien curieux et montre que les sécrétions thyroïdiennes, à leurs actions nutritives et morphogénétiques, ajoutent encore des actions fécondantes dont les applications futures peuvent être grosses de conséquences.

Mais il y a autre chose. Les têtards de grenouilles, sous l’influence de l’extrait de thyroïde ajouté à leur nourriture, se transforment bien plus vite. Même lorsqu’ils sont très petits et encore démunis de pattes, aussitôt qu’on commence à les nourrir à la thyroïde ils cessent de grandir, et très rapidement se changent en minuscules grenouilles. On a pu ainsi fabriquer, si on peut dire, des grenouilles beaucoup