Les relèvements de taxes que le Sénat avait superposés au projet d’impôts voté par la Chambre ont été, pour la plupart, rejetés ou réduits au Palais Bourbon. Deux raisons d’ordre différent ont agi dans le même sens et déterminé, en général, l’accord des deux assemblées sur les- chiffres les plus bas. D’abord, un scrupule constitutionnel. Le Sénat a-t-il le droit de créer des contributions nouvelles ou d’augmenter le taux de celles qui lui viennent de la Chambre ? C’est une question vieille comme la Constitution. Elle n’a jamais été résolue par un texte et elle a suscité, depuis 1875, entre le Sénat et la Chambre, une de ces querelles à répétition qui, dans les ménages les mieux accordés, éclatent par intervalles sur les mêmes thèmes, s’apaisent par des concessions réciproques et renaissent à la première occasion. Dans ce conflit périodique, l’éminent secrétaire général de la Présidence de la Chambre, M. Pierre, gardien sévère des traditions et des rites, défend toujours avec une belle énergie les prérogatives du suffrage universel et après quelques heures de scènes domestiques, le Sénat, bienveillant et sage, laisse le dernier mot à son inséparable compagne.
A vrai dire, les précédents ne donnent pas tort à M. Pierre. Dans la charte de 1814, les articles 17 et 47 stipulaient que la loi d’impôt devait être adressée, d’abord, à la Chambre des députés et que c’était seulement après avoir été admises par elle que les propositions fiscales pouvaient être portées à la Chambre des pairs. Même règle en 1830, même règle dans la constitution de 1870. L’article 8 de la loi du 24 février 1875, s’est inspiré d’une doctrine semblable : « Le Sénat a, concurremment avec la Chambre des députés, l’initiative de la confection des lois. Toutefois les lois de finances doivent être, en
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