séances. A la maison régnait une fièvre silencieuse : on entendait la plume de bon papa grincer sur son papier. Pour ma part, j’avais compris que la sagesse était le seul parti à prendre, vu les circonstances spéciales. Mes mamans s’agitaient : « Il devrait être là, » disait bonne maman, dont la fanchon s’était légèrement déplacée.
Tout à coup, la petite porte brune au bout de l’allée fut brusquement poussée, et M. Dabout surgit, courant, son chapeau à la main, les basques de sa jaquette sautant derrière lui.
« Le voilà, il court, cria maman, c’est que papa est élu ! »
Elle se précipita dans l’escalier et arriva à la porte en même temps que l’excellent ami qui lui sauta au cou, en s’écriant : « Ça y est ! »
Mon Dieu ! était-il heureux ! il était en nage, et les perles de sueur se confondaient sur ses joues avec des larmes de joie ; tout essoufflé, il ne pouvait plus parler. Bon papa descendait l’escalier avec une majesté détachée que je soupçonne aujourd’hui d’avoir été feinte !
Je venais d’apprendre dans mon histoire grecque que le coureur annonçant à Athènes la victoire de Marathon, ayant couru trop fort, mourut épuisé ; en arrivant. J’étais très préoccupée de l’état de M. Dabout ; mais je constatai avec plaisir qu’il ne mourut point. L’entretien ayant tourné sur les voix que bon papa avait eues ou pas eues, je retournai à mes propres affaires dans le jardin.
Monsieur Dabout me faisait au jour de l’an d’appréciables cadeaux tels qu’un panier à ouvrage, six cuillers en argent, ou encore une inestimable boite de cartes de géographie en patiences ; je maniais avec une joie indicible les pays, et les flots de la mer, et les continents ; rien ne me passionnait comme la carte de l’Océanie, très difficile à cause de la quantité de liquide ; mais je tenais bien en main mon Equateur et mes tropiques, et une fois ceux-ci en place, le reste allait tout seul. Mes petites amies avaient un goût immodéré pour ce jeu, mais il fallait les surveiller, pour que ces gâcheuses ne me perdent pas de morceaux ; je ne sais plus quelle est la peste qui m’a égaré le Portugal et la pointe du Jutland !
L’année où je commençai à aller au cours, ma sage maman, ma Minerve de maman, demanda à M. Dabout de me donner un petit bureau de travail pour ranger mes cahiers et mes livres. Le jour de la Saint-Sylvestre, le bureau arriva, solide sur ses quatre