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dans le monde entier, des ramifications de son Institut pour la propagation de la culture italienne : elle a raison. L’Angleterre ne se contente pas d’avoir la langue numériquement la plus répandue ; le succès qu’elle vient d’obtenir l’incite à de nouveaux efforts ; elle trouve notre exemple bon à suivre ; elle veut attirer dans ses Universités, jusqu’ici très fermées, non seulement les étudiants des colonies, mais les Américains, mais les Slaves, mais tous ceux qui voudront bien y venir ; elle crée des Instituts à l’étranger, plus richement dotés que les nôtres, pour lui servir de consulats intellectuels. C’est fort bien fait de sa part. Nous ne pouvons lutter avec cette concurrente qu’en travaillant à garder les qualités supérieures de notre langue, qu’en travaillant à développer nos moyens d’expansion. Il s’agit du jeu loyal, du beau jeu où le meilleur l’emporte.

Quel immense champ d’activité reste ouvert devant nous, à peine exploré ! que de progrès à réaliser, immédiats, faciles ! L’Alliance française, à qui l’Allemagne faisait l’honneur de la compter parmi ses ennemies les plus directes, avait avant la guerre plus de cinquante mille adhérents. C’est beaucoup, si on songe à l’effort qu’elle a dû accomplir pour atteindre ce chiffre, étant partie de rien, sans autre attrait que celui de l’idée désintéressée, sans l’aide d’aucun groupement, au-dessus de tous les partis. C’est trop peu, pour l’effort que demande l’heure présente. N’y aurait-il vraiment que cinquante mille personnes s’intéressant à la cause du français, et capables d’envoyer chaque année leur obole pour contribuer au rayonnement de notre influence ? De même, et à plus forte raison, pour les autres groupements moins nombreux. — Nous possédons un empire colonial immense ; avons-nous fait jusqu’ici tout notre devoir pour y répandre notre langue ? Avons-nous eu un plan suivi, des directions sûres ; et devons-nous nous tenir pour satisfaits des résultats obtenus ? Une des premières tâches que la paix nous permettra d’accomplir, n’est-elle pas de nous attacher davantage, par ce lien, une clientèle qui nous est acquise ? Car il n’importe pas seulement d’agir, il faut agir vite. L’usage n’est pas, entre concurrents, qu’on s’attende ; nous savons combien il en coûte de laisser les autres tirer les premiers. Le monde fait en nous un acte de foi : à nous, à nous seuls de le justifier. C’est une grande responsabilité que celle d’agréer l’amour d’autrui, et il vaudrait mieux ne pas l’accepter que de