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secours les plus pressantes. Il y répondait par l’envoi incessant de renforts, de munitions. Cependant il entendait conserver, malgré tout, assez de forces pour livrer, à un jour prochain, la bataille de la Somme. Ainsi l’anxiété s’accroissait de jour en jour.

L’armée de Verdun faisait un effort surhumain pour rester sur cette rive droite que Joffre lui-même, dès le 24 février, lui avait prescrit de ne pas abandonner. Quand Pétain, ferme comme un roc, signalait les difficultés de sa tâche, Joffre lui répondait de tenir jusqu’au dernier homme, de risquer même la perte de son matériel, mais de ne pas franchir le fleuve. Sans cesse en déplacement, tantôt à Verdun, tantôt au quartier général anglais où il avait à maintenir la foi dans l’offensive projetée. Joffre demeurait inébranlable dans son dessein et continuait à préparer l’opération sur la Somme. Cet effort moral, cette volonté soutenue pendant des mois, sans détente et sans rémission, font plus d’honneur peut-être au général Joffre, même que l’effort de quelques jours de la Marne. Ils achèvent le dessin de son caractère, de sa ténacité, de son courage.

En imposant à tous par son calme, triomphant, par son obstination, de la lassitude de tous, Joffre allait droit devant lui, décidé à ne pas se laisser détourner de ses voies.

Le 13 mars, il réunit une conférence à laquelle il lit le mémorandum suivant :

L’armée allemande a prononcé sur Verdun un effort auquel elle semble vouloir donner un caractère décisif dans le but manifeste d’user les disponibilités de l’armée française et de l’empêcher ainsi de prendre part aux offensives générales, tout en cherchant à abattre le moral de la nation par la conquête d’objectifs retentissants. Si l’ennemi parvenait à atteindre ce but, les armées britanniques et russes ne pouvant, à elles seules, obtenir un succès décisif sur l’armée allemande, les offensives des Alliés seraient frappées de stérilité et le plan même de la coalition se trouverait compromis. Il est donc du devoir de la coalition de s’opposer par tous les moyens en son pouvoir à cet affaiblissement des armées françaises recherché par l’ennemi. Dans ce but, les attaques des armées alliées doivent être déclenchées le plus tôt possible. Toutefois, la résistance énergique de l’armée française permet de ne les prononcer que lorsqu’elles seront suffisamment préparées.

Le 3 avril, le général Joffre, sentant comme une hésitation dans le commandement britannique, demande une intervention