pressentiment quand il a affirmé à plusieurs reprises que la sympathie à l’égard des pays voisins était un vice allemand. Un trou béant s’est ouvert autour de l’homme qui a rompu toute communauté d’intérêts dans les rapports internationaux, et il ne lui reste qu’à remplir cette brèche par l’hypertrophie de son moi tout-puissant. » Il est impossible de dire plus clairement que la Prusse et l’Empire se sont mis en dehors de l’humanité et comme au ban de l’Europe.
De tels jugements d’ensemble laissent prévoir l’antipathie des Bavarois particularistes à l’égard des Hohenzollern qui règnent sur l’Allemagne. Preuss ist Preuss, ob er König oder Kaiser tituliert wird, s’écrie Sigl, « Prussien est Prussien, qu’il porte le titre de roi ou celui d’empereur. » Donc le César de Berlin, dans l’opinion, est avant tout le successeur du grand électeur et de Frédéric II ; il reste inséparable de sa famille, de son milieu, de son pays, de la tribu barbare et à demi slave dont il est le souverain légitime. La population du royaume le considère comme un étranger. En outre, ce qui aggrave l’aversion, c’est qu’il est luthérien, et il est utile ici de mentionner une légende très caractéristique du Simplicissimus, sous un dessin qui représente la ville de Munich pavoisée au jour anniversaire de l’Empereur : « S’il vous plait, demande un touriste à un indigène, quelle fête y a-t-il donc aujourd’hui ? — Une fête protestante. »
Ni Guillaume Ier, ni Guillaume II n’ont été épargnés par la critique. Le premier passait pour un reitre inintelligent, et les patriotes gardaient l’amer souvenir de la défaite qu’il avait infligée à leur pays et de l’état de servitude dans lequel il l’avait réduit. L’historien Schreiber fait le récit de la cérémonie funèbre qui se déroula à Munich lorsque mourut le vainqueur de Sadowa. Il a vu passer dans les rues de la capitale de longs cortèges défilants à la nuit tombante, torches allumées, devant un immense sarcophage dressé en plein air. Il a vu des feux de Bengale, il a entendu des voix qui chantaient la Wacht am Rhein. Plus tard, pendant des semaines, il remarque que des hommes se sont promenés en habits de deuil et que des femmes ont porté des voiles de crêpe. De tels spectacles l’ont révolté : « Les Munichois, écrit-il, qui avaient conservé le vif souvenir de l’indignation générale ressentie par le pays contre la Prusse et l’armée prussienne lors de la guerre fratricide de 1866,