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pas risquer de nous voir acculés, par lassitude de notre opinion, à une paix boiteuse. En définitive, il est d’un intérêt capital pour chacune des puissances de l’Entente que le prochain effort militaire qu’elles réaliseront en commun soit intensifié le plus possible.

Cette lettre prouve que la pensée du général Joffre demeure obstinément fixée sur cette fin de la guerre qu’il veut et qu’il sent prochaine. Il pense que, s’il arrive à déclencher une offensive générale suffisamment puissante, il aura raison de la résistance allemande, après la désillusion de Verdun. L’événement devait prouver combien il avait raison.

Le mois de juin est un mois tragique. Devant Verdun, les Allemands mènent leur attaque avec un acharnement désespéré. C’est le mois de Souville et de Fleury. Le général Pétain s’émeut : «…Pour ces raisons, écrit-il, j’ai l’honneur de vous demander de fixer une date rapprochée à l’offensive des Anglais. La diminution des effectifs qui pourrait résulter d’une opération prématurée n’est pas à mettre en balance avec le risque devoir Verdun tomber aux mains de l’ennemi. »

À cette préoccupation, si légitime chez le commandant de l’armée de Verdun, le commandant en chef répond, le 12 juin :

J’estime avec vous que les Allemands escomptent les plus sérieux résultats de la bataille engagée contre Verdun et que nous devons à tout prix nous maintenir sur la rive droite de la Meuse, au risque même d’y abandonner une partie du matériel qui est déposé. Sans méconnaître les difficultés grandissantes de votre tâche, j’ai la ferme confiance que vous parviendrez encore à contenir vigoureusement l’ennemi comme vous l’avez si heureusement fait jusqu’à ce jour. Les organisations défensives que vous avez prévues, se développent sur les deux rives de la Meuse, et je sais que vous mettez et que vous mettrez de plus en plus votre soin à hâter leur pleine exécution.

Le renouvellement des grandes unités engagées dans la bataille a, dès à présent, assuré les relèves ; les renforcements d’artillerie lourde que vous avez prévus ou déjà organisés ont accru ou accroîtront encore la puissance de vos moyens.

L’heure est particulièrement grave ; la défense prolongée de Verdun, qui a déjà permis les heureuses offensives de nos alliés en Russie, constitue le geste indispensable et la condition inéluctable du succès de la coalition. Au cours de la campagne actuelle, rien n’a été et ne doit être négligé pour atteindre ce résultat. Je compte sur votre énergie pour faire passer dans l’armée et chez tous vos