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associations anti-hiérarchiques et les associations hiérarchiques, se disputant les biens de l’Eglise de France.

Plusieurs catholiques se sont scandalisés de l’intervention d’un tribunal civil dans la répartition des biens d’Eglise, sans songer que cette intervention serait nécessaire aussi longtemps que nous posséderions des biens, qu’il existerait des voleurs capables de nous les disputer, et que nous n’aurions pas à notre disposition le bras séculier pour nous défendre nous-mêmes.

Nous n’aurions donc eu aucune objection à faire si le Gouvernement avait laissé aux tribunaux de droit commun le soin de juger ces conflits toujours possibles. Malheureusement, les sectaires, outrés de leur défaite, semblèrent rechercher une sorte de revanche en présentant l’article VIII qui déférait ces conflits à un tribunal exceptionnel d’ordre administratif, le Conseil d’Etat.

En soi, l’article VIII n’est pas essentiellement opposé à l’article IV, et, sans doute, il n’eût pas donné lieu à tant de critiques, s’il n’avait été compromis par les intentions suspectes de ceux qui le présentèrent.

Toute la question cependant est de savoir si cet article VIII est subordonné ou superposé à l’article VIII. Dans le premier cas, l’article IV garde toute sa valeur ; dans le second cas, l’évêque est supplanté par le Conseil d’Etat s’érigeant en arbitre suprême dans le domaine religieux et ecclésiastique. Il faut reconnaître que le Gouvernement, toutes les fois qu’il a été consulté, a nié la seconde hypothèse et affirmé la première. M. Briand, répondant à un évêque qui lui reprochait d’avoir livré au Conseil d’État l’interprétation de l’article IV, lui disait : « Non pas l’interprétation, mais l’application, car en lui-même cet article est d’une clarté invincible et ne laisse aux juges que le soin de discerner, entre deux associations, celle qui est soumise à l’évêque pour lui attribuer les biens en contestation, et c’est ainsi que doit être comprise la faculté que lui attribue l’article VIII de juger sur toutes les circonstances de fait, et il ne saurait avoir un autre sens. » De fait, après ce que nous venons de rappeler, il semble difficile que le tribunal, même le plus malveillant, reconnaisse comme légale une association anti-hiérarchique et lui en confère les droits.

En tout cas, le Conseil d’Etat lui-même, d’accord avec la Cour de Cassation, a écarté cette suspicion. Depuis quinze ans, chaque fois qu’une association schismatique lui a été déférée, il