bord des champs d’avoine ? Connais-tu une maison silencieuse et souvent fermée, une allée de tilleuls où l’on marche peu, des sentiers sous un bois grêle, où les feuilles mortes s’amassent de bonne heure ?… »
Etrange rencontre des mêmes pensées, retour immuable des saisons ! Le.« village blanc, » le voilà dans sa tiédeur d’été ; la « maison silencieuse et souvent fermée, » elle vient de s’ouvrir devant nos pas ! Nous en franchissons le seuil et bientôt, par un étroit corridor qui relie la cour d’entrée au parc situé du côté de la mer, nous pénétrons dans l’allée de ces tilleuls toujours les mêmes, toujours épais, toujours ombreux, qui partage à peu près le grand jardin mélancolique au désordre charmant. Çà et là, des deux côtés de cette grande allée médiane, des sentiers jonchés des feuilles de la dernière saison, serpentent autour des plates-bandes bordées de buis, où se dessèchent, faute de pluie, de petits buissons de pivoines ; et, sur chacun de ces côtés. je reconnais les « frênes emmaillotés de lierre, les grands ormeaux chargés de lichens jaunes » dont Fromentin parle dans l’une de ses lettres ferventes à Armand du Mesnil. Un peu plus en retrait, devant la façade de l’habitation, toute surannée, toute vieillotte, nous reconnaissons la terrasse « ombragée de vigne, » cette fameuse terrasse où le petit Dominique, le front moite, les tempes battantes, des larmes aux yeux, vint composer une fois sur Annibal. Les vieilles marches branlantes et moussues de cette terrasse, nous ne tardons pas à les gravir ; bientôt, nous sommes sous la tonnelle enveloppée de pampres, de grappes, de feuilles déjà rousses. « Les pampres tombaient un à un, sans qu’un souffle d’air agitât les treilles, » dit-il. C’était donc que ce jour était un jour semblable à celui que nous vivons en ce moment, un jour privilégié, l’un de ceux où de grands souvenirs et de grandes actions s’imposent à l’âme qui pense, au cœur qui bat, avec un même pouvoir d’évocation.
De cette rousse et chaude terrasse, d’aspect romain, où l’élève d’Augustin vint composer sur le grand capitaine défait à Zama, nous apercevons, juste au milieu de l’allée de tilleuls, sur un socle verdi, l’urne emblématique, d’une signification pleine de regrets et de deuil. Madeleine, la belle créole, qu’elle devait donc avoir de charme, sous « l’ombre bleue des grands arbres, » avec son teint mat, son écharpe lâche, cette séduction du rire et ce « regard foudroyant d’éclat » dont il a parlé et qu’offrent