n’avait plus trouvé que du passé. Le grand roi était là derrière, mort, — et le vivant, où était-il ?…
Elle redescendit à Potsdam. A la grille dorée du Palais Neuf se balançait un écriteau. Elle s’approcha. Elle lut en grosses lettres : « Bonsoir, Guillaume ! »
Le roman se termine par une peinture de la révolution. L’aviateur Heinz Bertholdi est entouré par des matelots qui lui arrachent ses épaulettes, lorsqu’ils s’aperçoivent qu’il est aveugle, et s’éloignent.
Telle est la magistrale « chronique » que Mme Viebig a donnée de la guerre. Il est fort malaisé de résumer en quelques pages un tableau si complexe ; il l’est plus encore de prononcer un jugement. Mme Clara Viebig est un peintre puissant : elle se préoccupe peu de formuler des idées. Ses personnages vivent et pensent en dehors d’elle ; on serait fort embarrassé de dire quel est celui d’entre eux qu’elle charge de parler pour elle. Personne n’a peint comme l’auteur de cette fresque saisissante, la débâcle de l’Allemagne. Mais Mme Viebig se borne à faire œuvre d’artiste, sans chercher à présenter une thèse politique ou morale.
Tant d’impersonnalité étonne. Sans doute, on n’exige pas d’un écrivain allemand qu’il pense comme nous, ou même comme un neutre : il est singulier toutefois que Mme Viebig ne se demande pas une fois où était l’agresseur, si l’Allemagne n’a pas fait au monde plus de mal qu’elle n’en a subi, et que, de cette vaste épopée de la défaite, l’idée de la faute et de l’expiation, si naturelle aux malheureux, soit complètement absente. Nulle idée religieuse n’attendrit cet esprit de femme. Les strophes immortelles de Wilhelm Meister : « Celui qui n’a pas mangé son pain dans les larmes, celui qui, durant les tristes nuits, n’est pas resté assis en pleurant sur sa couche, celui-là ne vous connaît pas, ô Puissances célestes ! » ces vers que la reine Louise répétait après Iéna, paraissent n’avoir plus de sens pour cette âme stoïque : elle admet la douleur d’un œil sec, comme un fait, sans y attacher désormais nulle idée purifiante.
Ne lui reprochons pas de contempler avec tristesse l’écroulement de son pays. Fille de l’Allemagne, contemporaine de sa grandeur, ne nous étonnons pas qu’il lui en coûte de dire : Finis Germaniæ ! Chose curieuse ! Cette fin de sa patrie, le romancier national semblait l’avoir prévue. Dans la puissance