individuelle existait ; une liberté de la presse très limitée, mais suffisante pour cette communication entre l’électeur et l’élu qui était la chose essentielle, existait ; une liberté électorale très gênée, mais non pas plus qu’elle le sera toujours tant qu’il y aura des préfets, et plus difficile qu’autrefois à corrompre, étant exercée par dix millions d’électeurs, existait ; et la France était à peu près aussi peu libre qu’il est possible, seulement parce les ministres n’étaient pas responsables des Chambres, seulement parce que l’Empereur gouvernait. Aussi, dans le discours pour les « libertés nécessaires, » Thiers disait fortement qu’il fallait liberté individuelle, liberté électorale, liberté de la presse en leur plénitude, mais que, ce résultat acquis, il n’y aurait rien de fait, si la responsabilité ministérielle n’était pas conquise, en d’autres termes, si la République, sous un nom ou sous un autre, n’était pas établie. La République est au fond même du programme de Thiers. Elle en est même le centre.
Une République centralisatrice et parlementaire avec tous les organes d’une parfaite centralisation, et d’un Parlement libre dans son origine, dans son organisation, dans son influence et dans son action : tel est le programme politique de Thiers, et il ne veut de rien en deçà et il n’imagine rien au-delà.
On aura très beau jeu à dire que ce système de gouvernement libéral n’est pas du tout libéral, et que, ou il organise un quasi-despotisme, ou il permet l’établissement très facile d’un despotisme pur. Il organise un quasi-despotisme, par lui-même, et s’il réussit. La liberté centralisée dans une Chambre n’est pas la liberté ; c’est l’oppression de la minorité même très forte, par la majorité même très faible. C’est une plaisanterie de dire par exemple à deux millions de protestants : « Vous êtes parfaitement libres, puisque, conjointement à huit millions de catholiques, vous nommez librement des députés dont la majorité fera la loi, et, par les ministres, fera agir les fonctionnaires. De quoi pouvez-vous vous plaindre ? » C’est une plaisanterie de dire aux citoyens : « Vous n’avez pas besoin de libertés particulières, puisque vous avez la liberté générale qui consiste en ce que la moitié plus un des Français gouverne l’autre ; vous n’avez pas besoin de libertés particulières, puisque vous avez la liberté générale qui consiste en ce que les plus forts sont les plus forts. » Il y a là une organisation du pouvoir, et grossière, il n’y a pas là la moindre organisation de la liberté.