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Weimar.

Chez M. K… bibliothécaire : quarante ans, non marié, vit avec deux sœurs non mariées et sa mère ; érudit spécial (chansons et contes populaires, études sur la littérature du XVIIIe siècle en Allemagne) ; n’a point lu Macoulay, ne lit pas de romans ; pur savant cantonné dans son petit cercle. Fond triste et modeste ; sent les inconvénients de son état. (Les contes et chansons ne servent pas beaucoup pour connaître le génie des peuples ; là où ils semblent originaux, ils sont peut-être empruntés, et, faute de la marque littéraire individuelle, ils sont médiocrement significatifs.) Il habite d’esprit avec ses collègues spéciaux français, anglais, etc. qu’il ne connaît pas de vue, tel collectionneur de ballades ou de légendes siciliennes ou slaves. Tous ses travaux sont sur des points de détail. De plus, en ce moment, il collabore à une grande édition critique de Schiller, revoit les variantes de ses traites d’esthétique qu’il trouve clairs. « Je ne me suis pas occupé de philosophie, je n’ai pas lu Hegel, je ne suis pas compétent ; il me faut de l’attention pour suivre les raisonnements de Schiller, mais je les suis, donc il est clair. » Du reste, se prêtant à la discussion, et pas du tout pédant. — Sa bibliothèque est très belle ; c’est un haut bâtiment faisant voûte libre au centre, avec deux ou trois étages latéraux, d’un aspect calme et noble. Quantité de portraits et bustes de grands hommes, surtout de Gœthe : son masque après sa mort (bien moins idéal que les bustes, presque une tête ordinaire) ; une miniature tout à fait supérieure de Gœthe (on voit l’homme sévère, énergique, pas sympathique, tout à fait selbständig) ; un exécrable dessin fait par Gœthe où il se représente demi-couché, méditant sur des ruines italiennes ; diverses curiosités ennuyeuses, par exemple une série de pots de porcelaine qui, choqués, font la gamme ; des défroques de Gœthe et de l’empereur de Russie. Il y a de la naïveté et de la pédanterie dans ce culte des célébrités.

Renseignements sur les traitements et dépenses de la vie courante. Il y a ici un grand Gymnanum[1] : environ trois cents élèves et davantage ; on sort vers dix-neuf ans, quelquefois plus tôt ; le nombre des élèves qui viennent faire leurs premières classes et restent jusqu’à seize ans seulement s’accroît beaucoup,

  1. Lycée.