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demande si l’esprit tyrannique et méfiant de la vieille Prusse ne voyait pas dans ces hommes d’œuvres rhénans des conspirateurs. Ils ne conspiraient que pour la charité, en vue du bien public et religieux, mais c’est vrai qu’ils étaient pleins de la France.

De 1848 à 1870. — La constitution prussienne du 5 décembre 1848 assura aux catholiques sur le Rhin la liberté d’enseignement et d’association. À ce moment réapparaissent nos vieux amis. Je veux dire Sibylle Merlo et Louise Hensel, Clara et Netta Fey, Glaire et Françoise Schervier, et puis Geissel, l’élève du séminaire français da Mayence, et Adam-François Lennig, le lycéen et le séminariste de Mayence… J’ai bien le droit de les appeler nos vieux amis, quoique j’ignore dans quelle mesure ils accepteraient ce titre, parce que nous leur avons donné des marques non équivoques d’amitié : nous les avons formés dans nos lycées napoléoniens, dans nos pensionnats d’esprit français, et eux-mêmes, depuis trente ans que la France a quitté la Rhénanie, ils considèrent qu’ils ne peuvent rien faire de mieux pour l’accomplissement de leur mission que de s’assurer des collaborateurs français…

Donc à cette date de 1848, nos vieux amis usent de la liberté que la veille on leur disputait. Ils sortent de leur action un peu secrète, ils demandent à la France de leur redonner la science et les méthodes d’organisation qui leur manquaient depuis le départ de nos préfets. Quelle gêne on vient de subir pendant plus de trente ans ! D’une part, les tracasseries de la bureaucratie prussienne interdisant les associations et les congrégations et cherchant à détruire ce qu’avaient fait les Français, et d’autre part, bien des agitations déréglées de la sentimentalité romantique. Maintenant, comme si la vanne à peine entr’ouverte permettait l’irruption des eaux bienfaisantes, le secours de la France revient à ces petites villes pleines de bonne volonté. Un régime plus libéral les autorise à appeler tout haut ce qu’en secret elles demandaient. De nouveau une organisation va pouvoir s’ajouter à l’élan. Sans doute ils ne reviendront pas, les grands administrateurs de la France, créateurs d’hôpitaux et de bureaux de bienfaisance, mais, à leur défaut, la belle charité à la française fera de son mieux pour remédier à la misère sociale qui règne à cette époque dans les campagnes et les villes du Rhin.