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chaque nuit, l’esprit de Riccius Varus, le préfet de Dioclétien qui fit massacrer la légion thébaine.

Puis vient le cortège, nimbé d’une sainte lumière, des grands apôtres qui apportèrent l’Evangile. Leurs légendes reposent dans les chapelles et les monastères, sur les collines qui gardent encore leurs noms, la colline de saint Dissilod l’Irlandais, la colline de saint Irmin, la colline de saint Remy, l’évêque de Reims ; elles se marient aux légendes des grandes saintes du Rhin, sainte Nizza, petite-fille de Louis le Débonnaire, sainte Hildegarde, sainte Geneviève de Frauenkirch, sainte Ida, cousine de Charles Martel.

Parmi les pacificateurs qui apportèrent au peuple rhénan, après la période des grandes invasions, un peu de bonheur et de repos, la montagne palatine n’oublie pas le bon roi d’Austrasie Dagobert, qui tenait cour de justice à son château de Landeck, et savait châtier les grands du royaume s’ils se rendaient coupables de méfaits. Mais de Mayence à Cologne, c’est surtout le grand empereur Charlemagne que chante la légende. Celui-là est bien chez lui dans cette vallée, et son expédition fameuse contre les Saxons s’affirme nettement comme une victoire de la civilisation sur la barbarie. Aussi, quand il revient des troubles pays d’outre-Rhin, une biche le guide vers le passage le plus facile du Main. Le voici envoyant un messager à Orléans pour en rapporter des vignes, qu’il fait planter dans la plaine de Rudesheim. Le voici qui rentre dans son château d’Aix-la-Chapelle, au milieu des acclamations populaires, alors qu’on le croyait disparu en Hongrie. Le voici éveillé la nuit par un ange, qui l’avertit que ses ennemis s’avancent pour l’attaquer. Le voici rêvant au bord de l’étang où fut jeté l’anneau d’or de l’impératrice Fastrada. Le voici enfin qui remonte le Rhin, au clair de lune, en bénissant les raisins.

Puis les légendes de Spire, de Worms, de Kaiserslautern et du Trifels s’appliquent à recueillir, au milieu des périodes troublées du Saint-Empire, les bienfaits épars des empereurs allemands, de Conrad, de Barberousse et de Frédéric II.

Et ainsi l’on arrive à la grande époque de l’épopée napoléonienne. C’est en vain que des poètes prussiens comme Ruckert se sont efforcés de mêler des traits hostiles à la légende de l’Empereur. Le petit homme au bicorne, à la redingote grise, au nez d’aigle, les bras croisés, tel qu’il se dressait sur les pyramides