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Depuis des siècles, ces riches imaginations vivaient et mouraient sans gloire aux humbles foyers des familles rhénanes, quand le pays devint français. Sous le régime de prospérité et de paix que Napoléon lui assura, il se plut alors à respirer les fleurs de son passé. Sous la protection tutélaire de la France et de ses années, les Rhénans aimèrent à recueillir leurs légendes et à les mêler aux émotions heureuses et tranquilles de leur vie réorganisée.

Nos fonctionnaires encouragèrent cette disposition des esprits et ce culte des souvenirs. La survivance du passé dans les imaginations rhénanes leur parut bonne à favoriser, puisqu’elle allait dans le sens de la meilleure civilisation. Les préfets du grand Empereur ne voyaient rien dans le cycle légendaire des Césars romains, et de Charlemagne qui fût en opposition avec l’idéal qu’ils entendaient faire prévaloir sur le Rhin. Avec Jean Bon Saint-André, ils se sont passionnés pour l’histoire rhénane[1]. Sans doute plus, d’un d’entre eux partage pour le moyen âge, le dédain des idéologues révolutionnaires, mais ils distinguent que l’histoire, prise dans sa profonde vérité, travaille avec leur administration et avec les initiatives françaises, en Rhénanie.

Les deux plus grands musées du Rhin, le musée provincial de Trêves et le musée Walraff de Cologne, ont été formés sous la protection bienveillante des autorités impériales. A Cologne, en l’an XII, notre administration remit à l’abbé François Walraff, qu’elle avait nommé inspecteur des antiquités, une partie des bâtiments de l’archevêché, pour qu’il y installât ses collections. Les historiens de Cologne l’appellent « le bon génie de la ville ; » on peut encore l’appeler le père des musées du Rhin et le maître des frères Boisserée, dont on sait qu’ils présidèrent au développement de tout le mouvement de l’art rhénan. C’était un grand ami des Français, l’abbé Walraff, comme en témoigne le poème qu’il composa en l’honneur de Napoléon et de l’impératrice Joséphine. A Trêves, avec l’appui du ministre de l’Intérieur

  1. Jean Bon parle du passé en homme fort renseigné dans son discours du 16 germinal, an XII, à la première séance publique de la Société des Sciences et Arts de Mayence, » et dans son discours du 7 frimaire, an XII, prononcé à l’occasion de l’ouverture du lycée. (Note communiquée par M. Lévy- Schneider.)