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Lundi, 15 mars.

Le Gouvernement français, ayant délibéré sur les conditions de paix que les Alliés devront imposer à la Turquie, me charge de faire connaître au Gouvernement russe les compensations que la France entend se réserver dans la région syrienne.

L’Empereur, qui se trouve au Grand-Quartier général, m’invite à l’y rejoindre pour traiter la question avec lui ; il convoque également Sazonow.



Mardi, 16 mars.

Parti de Pétrograd hier soir à sept heures, dans un wagon de la Cour attelé à l’express de Varsovie, je m’éveille ce matin à Wilna, d’où un train spécial me conduit à Baranovitchi. Jusqu’à midi et demi, je traverse de vastes plaines, presque désertes, qui déroulent au loin leurs ondulations neigeuses, comme un tapis d’hermine.

Baranovitchi est une pauvre bourgade, située sur la grande voie ferrée qui relie Varsovie à Moscou par Brest-Litovsk, Minsk et Smolensk.

Le Grand-Quartier Général est installé à quelques verstes du bourg, dans la clairière d’une forêt de sapins et de bouleaux. Tous les services de l’État-Major occupent une dizaine de trains, disposés en éventail au milieu des arbres. Çà et là, dans l’intervalle, on aperçoit quelques baraques militaires, quelques postes de Cosaques et de gendarmes.

On me mène directement au train impérial qui allonge, sous la futaie ensoleillée, l’interminable file de ses immenses voitures écussonnées d’or.

L’Empereur me reçoit immédiatement dans son wagon-salon :

— Je suis heureux, me dit-il, de vous recevoir ici, au Grand-Quartier Général de mes armées. Ce sera un souvenir de plus entre nous, mon cher ambassadeur.

— Je dois déjà à Votre Majesté le radieux souvenir de Moscou. Ce n’est pas sans émotion que je me trouve en votre présence ici, au centre vital de vos armées.