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laquelle fut accueillie par des transports de joie et des cris répétés de Vive l’Empereur ! Dans la journée, vers les deux ou trois heures de l’après-midi, on jeta l’ancre dans le golfe Jouan. Immédiatement on opéra le débarquement et l’on alla camper dans un pré carré, peu éloigné de la mer. Des postes furent établis aux alentours du camp et principalement sur la route de Fréjus à Antibes. Le bivouac de l’Empereur fut installé au milieu du pré qui était bordé à droite et à gauche par des haies vives et au nord par la route.

Avant le débarquement du gros de la petite armée, l’Empereur avait envoyé à Antibes une vingtaine d’hommes, des grenadiers commandés par un officier, pour s’emparer de la place. Cet officier, dans cette circonstance, agit avec imprudence. Au lieu de laisser une partie de son monde pour garder la porte de la ville, il se fit suivre de tout son peloton, de sorte que le commandant de la place, voyant un si petit nombre d’hommes dans l’intérieur, et ayant été informé qu’il n’y avait dehors aucune garde, fit lever les ponts-levis ; et notre officier et sa troupe se trouvèrent pris comme dans une souricière. Ce petit échec contraria beaucoup l’Empereur. C’était mal débuter.

Dès que l’Empereur fut installé à son bivouac, il fit dresser sa table et se mit à travailler sur une carte qu’on lui avait déployée ; il dicta ensuite différents ordres et instructions relatives aux opérations de la campagne qu’il avait méditée et dont il venait de faire le premier pas. Quand il eut fini son travail, il alla se promener çà et là, en attendant son diner, s’arrêtant aux bivouacs de ses soldats où il faisait la conversation, ou bien dirigeant ses pas vers la route qui bordait le pré du côté nord ; là, il causait avec les passants qui étaient assez rares et les questionnait. L’heure du di-ner étant arrivée, il se mit à table avec ses généraux. Le repas terminé, il se promena de nouveau, s’entretenant tantôt avec le Grand-Maréchal, tantôt avec le général Drouot ou quelque autre personne de sa suite.

Dans la soirée, le poste avancé du côté de Cannes arrêta un courrier qui fut amené au bivouac de l’Empereur. Cet homme fit connaître qu’il était au service du prince de Monaco, dont il précédait la voiture et qu’antérieurement il avait été postillon de l’Impératrice Joséphine. Quelques gens des écuries le reconnurent pour tel. L’Empereur le questionna sur l’esprit public de la capitale, sur ce que l’on disait de lui, Napoléon, sur les