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Ce n’était que par bonds qu’il travaillait. Il n’aimait pas à se sécher plusieurs mois sur le même sujet. Son imagination le portait à en changer sans cesse, et, par cette raison, tout ce qu’il faisait restait le plus souvent à l’état d’imperfection. Ses idées, pour ainsi dire, n’étaient que jetées sur le papier, et, pour les compléter et les développer, il attendait des matériaux.

Toutes les écritures que l’Empereur faisait faire n’occupaient que le Grand-Maréchal, M. de Montholon, Marchand et moi, bien entendu, après le départ de M. de Las Cases et du général Gourgaud. Les deux premiers écrivaient sous sa dictée, et les deux autres mettaient au net.

Ce fut vers le milieu de l’année 1820 que l’Empereur mit en ordre et fit recopier plusieurs de ses manuscrits, parmi lesquels était celui de la campagne d’Egypte. Cette campagne, il y avait travaillé avec assez de suite pendant les deux premières années. Après une première dictée faite, partie au Grand-Maréchal, partie au général Gourgaud, Marchand l’avait mise au net : mais cette copie, avec le temps, se trouva si remplie de corrections, de changements, de transpositions, que l’Empereur me la donna pour que je la refisse avec régularité. Mon travail était terminé, excepté un ou deux chapitres concernant l’administration de l’Egypte, lorsque parurent les premiers symptômes de sa maladie. Il n’eut pas le temps de revoir ce ou ces chapitres-ci, qui étaient tout entiers de la main du Grand-Maréchal.

Je fais observer que tous les manuscrits de Longwood sont tous de ma main, excepté quelques-uns de peu d’importance ou qui n’auraient eu qu’une première dictée.


XII. — LES JARDINS DE LONGWOOD

Si les diverses occupations de cabinet distrayaient l’esprit de l’Empereur de l’ennui, son corps ne prenait pas assez d’exercice. Ce n’était pas quelques petites promenades qu’il faisait dans la grande allée de l’enceinte, qui étaient capables d’entretenir ses forces. Depuis longtemps, il s’était abstenu de toute excursion au-delà de l’enclos de Longwood, pour ne pas donner sujet au gouverneur de lui faire éprouver de nouvelles vexations. Pour compenser un peu ce défaut d’exercice extérieur, il jugea que le jardinage était ce qui convenait le mieux à son état de réclusion. Dès lors il ne fut plus question que de jardins : tout