Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et en bas, la tenture formait des rouleaux, depuis l’angle du plafond jusqu’à la plinthe. Dans le cabinet, une petite pente volante garnissait le haut et, dans la chambre à coucher, c’était une petite draperie de même mousseline que la tenture, soutenue de distance en distance par de petites patères on cuivre doré d’où pendaient des cravates. Les fenêtres furent garnies de grands et de petits rideaux. Les tapis furent renouvelés et le mobilier quelque peu changé et augmenté. Les fils de campagne furent réparés et les rideaux et moustiquaires remplacés par des neufs.

Ce fut une surprise agréable pour l’Empereur de se trouver si proprement logé ; depuis qu’il était à Sainte-Hélène, il ne s’était pas vu si bien. « Ceux qui verront ma chambre, disait-il, me prendront pour une petite-maîtresse. » Jadis les petites choses n’avaient pas attiré son attention ; mais, à Longwood, les choses les plus simples, les plus ordinaires, étaient pour lui un objet de curiosité.


XV. — HUDSON LOWE

Pendant tout le temps que l’Empereur avait été occupé de ses jardins, de l’arrivée des prêtres et de la décoration de ses chambres, il avait semblé avoir oublié sa position. Effectivement, dans cet espace de temps, l’activité avait fait disparaître cet air soucieux et réfléchi qu’il avait eu antérieurement. Mais le ministère anglais et le gouverneur, son agent dévoué, étaient mécontents, on peut dire, quand ils ne secouaient pas les chaînes de leur prisonnier ; c’était un besoin pour eux de les lui faire sentir et même d’en augmenter le poids. Un colosse, un hercule comme le général Bonaparte devait être chargé jusqu’à ce qu’il pliât soux le faix ; aussi les vexations de toute nature, les mauvais traitements de toute espèce se renouvelaient-ils fréquemment. La victime ne demandait que la tranquillité et, cette tranquillité, elle ne pouvait l’obtenir. Voici, entre plusieurs, un des aimables procédés de l’exécuteur des hautes œuvres de l’oligarchie britannique.

S’il se passait deux ou trois jours sans que les espions eussent vu l’Empereur, sir Hudson Lowe arrivait à Longwood escorté de quelques officiers de son état-major, et donnait l’ordre à l’officier d’ordonnance d’aller se promener sous les