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fenêtres du prisonnier et d’approcher assez près pour voir dans l’intérieur. Un ordre aussi contraire à la délicatesse, à l’honneur, n’était exécuté qu’avec dégoût par l’officier ; mais il fallait obéir sous peine de destitution. L’officier avait beau approcher des vitres, il ne pouvait rien voir : les rideaux étaient fermés. Il retournait vers le gouverneur rendre compte de sa promenade. Sir Hudson, peu satisfait, ordonnait à ce même officier de se mettre en uniforme et de se présenter à la porte principale des appartements, qui était celle du parloir, et d’y frapper, à diverses reprises, si l’on ne répondait pas au premier coup. Personne ne répondait, cette pièce n’étant pas un endroit où se tint quelqu’un du service. Après avoir frappé et refrappé, l’officier s’en retournait comme il était venu. Le gouverneur, vexé et humilié, ordonnait alors à un de ses officiers d’accompagner l’officier d’ordonnance, de se présenter à la porte de l’intérieur et d’y frapper. Au premier coup, la porte était ouverte. On avait le mot, tout ayant été combiné d’avance. « Que désirent ces Messieurs ? demandait le valet de chambre, qui venait d’ouvrir la porte et qui restait en dehors avec les officiers. — Où est le général Bonaparte ? — L’Empereur est dans sa chambre à coucher et malade. — Quelle maladie a-t-il ? — Monsieur le gouverneur doit en être instruit par les bulletins qu’on lui remet chaque jour. — Est-ce qu’il est bien souffrant ? — Messieurs, il n’y a que son premier valet de chambre qui puisse vous le dire ; lui seul entre chez Sa Majesté. — Dites à Marchand que nous voudrions lui parler. — En ce moment, il est auprès de l’Empereur. — Quand il sortira de chez le général, veuillez lui dire qu’il se rende chez l’officier d’ordonnance. » Alors les officiers, en présentant un paquet à l’adresse du général Bonaparte, disaient au serviteur : « Voulez-vous remettre cette lettre au général ? — Non, messieurs, je ne puis m’en charger ; il ne m’appartient pas de prendre les lettres qui sont adressées à Sa Majesté. Si vous voulez qu’elle lui parvienne, remettez-la à Monsieur le général de Montholon ou à M. le comte Bertrand. » Les officiers se retiraient et allaient rejoindre le gouverneur, qui se tenait à peu de distance de la maison ou chez l’officier d’ordonnance et qui se décidait enfin à prendre le parti d’aller chez M. de Montholon ou chez le Grand-Maréchal. Aussitôt que les officiers étaient hors de la maison, le valet de chambre, qui avait vu de quel côté ils avaient porté leurs pas,