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SUR L’ESPACE ET LE TEMPS SELON EINSTEIN.

elle nous aurait fait connaître la vitesse absolue de la terre dans l’espace. Ce résultat aurait été contraire au principe de relativité de la philosophie et de la mécanique classiques qui est une vérité d’évidence. Donc, il ne pouvait être que négatif.

Il y a là, ainsi qu’on va voir, une ambiguïté et, — si j’ose ainsi m’exprimer, — une erreur de raisonnement, à laquelle il semble que n’aient pas échappé certains physiciens remarquables et notamment le professeur Eddington, qui est pourtant le plus averti des einsteiniens anglais. Par lui furent organisées les observations de l’éclipsé du 29 mai 1919 qui ont fourni, comme nous verrons, la vérification la plus frappante des inductions d’Einstein.

Tout d’abord, si l’expérience de Michelson avait donné un résultat positif, ce qu’elle aurait mis en évidence, c’est la vitesse de la terre par rapport à l’éther. Mais, pour que cette vitesse fût une vitesse absolue, il faudrait que l’éther fût identique à l’espace. Rien n’est moins certain que cette identité, et la preuve, c’est que nous pouvons très bien concevoir entre deux astres un espace, ou, pour mieux dire, une discontinuité, vide d’éther même, et à travers laquelle ne se propagerait ni la lumière, ni aucune des formes d’énergie connues.

Lorsque Eddington dit qu’« il est légitime et rationnel, » qu’il est « inhérent aux lois fondamentales de la nature, » qu’on ne puisse déceler un mouvement des objets par rapport à l’éther, que cela est certain, « même si les preuves expérimentales sont insuffisantes, » il affirme une chose qui ne serait évidente que si l’identité de l’espace et de l’éther était elle-même évidente. Or, il n’en est rien. Si l’expérience de Michelson avait donné un résultat positif, si on avait décelé une vitesse de la terre, aurait-on décelé une vitesse par rapport à un point de repère absolu ? Nullement. Il se peut, il se pourrait très bien que l’Univers stellaire que nous connaissons, avec ses centaines de milliers de Voies Lactées que la lumière ne franchit qu’en des millions d’années, il se peut que tout cela soit le contenu d’une bulle d’éther qui roule dans un abîme vide d’éther et semé çà et là d’autres univers, d’autres gouttes d’éther gigantesques dont rien, dont aucun rayon lumineux ne nous viendra jamais. Ceci n’est en tout cas pas inconcevable. Mais alors, l’éther ayant les propriétés que lui attribue la physique classique, si le mouvement de la terre par rapport à lui avait pu être décelé, ce n’est pas un