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cinq pour cent pour les petits loyers de 900 à 1 200 couronnes (loyers de la classe ouvrière), cet impôt atteint jusqu’à cinq cents pour cent pour les loyers au-dessus de 20 000 couronnes. De tels loyers sont rares, mais ceux de 10 000 couronnes sont nombreux et taxés à 140 pour 100 : c’est la classe moyenne, ici comme partout, qui est pressurée.


* * *

A l’Opéra. — Rien n’a été changé dans la salle, depuis la révolution. La vaste loge impériale a toujours ses lourdes tentures de peluche pourpre que surmonte une imposante couronne aux ors éclatants…

Taine disait : « Il n’y a pas de vraies soirées sans femmes en grande toilette. » Dans les loges découvertes faites pour que les diadèmes et les robes décolletées produisent tout leur effet, je n’aperçois que des blouses de linon. Depuis la guerre, l’usage s’est perdu de s’habiller pour l’Opéra : on s’y rend comme on est, en veston, en petite robe.

Le directeur de la grande scène viennoise me fait ses doléances :

— A présent, me dit-il, ce n’est plus la société, qui vient au théâtre : où trouverait-elle l’argent que coûte un fauteuil ? Cependant, tous les théâtres sont pleins. Il y a tant d’étrangers, tant d’enrichis de la guerre ! Songez, qu’actuellement, à Vienne, on ne compte pas moins de quatre à cinq cents milliardaires, oh ! en couronnes, naturellement. Au début, ces gens-là ne savaient pas se tenir. Ils parlaient haut pendant la représentation. Dans les loges, ils buvaient et déballaient des saucisses à la moutarde qu’ils mangeaient avec leurs doigts. Mais les « nouveaux riches, » comme vous les appelez, ont commencé à se décrasser ; s’ils manquent encore d’élégance dans leurs manières, du moins savent-ils écouter en silence, ne point importuner leurs voisins.

Il m’assure que notre musique est très goûtée de ses compatriotes.

— De tous les étrangers, ceux que nous préférons, évidemment, ce sont les Italiens, Puccini spécialement ; mais, tout de suite après, nous mettons les Français : Ambroise Thomas avec Mignon ; Gounod avec Faust et surtout Massenet avec Manon et Werther. Quoique cela vous puisse étonner, les Allemands ne