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pour vous entendre avec moi sur le moyen de rétablir de bonnes relations entre la France et la Chine. »

Je m’empressai de le porter à l’amiral Lespès qui, agréablement surpris de cette intéressante communication, me demanda ce que je me proposais de faire, dans la circonstance ?

— Je veux, avant tout, lui répondis-je, soumettre le désir de conciliation du vice-roi à une épreuve, décisive à mon sens, en fixant comme condition de mon départ pour Tien-Tsin, la destitution par décret impérial du marquis de Tseng de son poste d’ambassadeur à Paris, et son remplacement par un ami de Li-Hong-Tchang.

L’amiral ayant approuvé cette précaution, mon télégramme fut expédié, en conséquence, au vice-roi, dont la réponse ne se fit pas attendre et donnait pleine satisfaction à ma demande. Elle était ainsi conçue : « Conformément à votre désir, la destitution du marquis de Tseng de son poste d’ambassadeur à Paris et son remplacement par Li-Fong-Paô ont paru, aujourd’hui, dans la Gazette Officielle de Pékin. Je vous donné la satisfaction de l’annoncer vous-même à votre gouvernement. »

— Maintenant, je suis prêt à marcher, dis-je à l’amiral en lui portant cette réponse, car Li-Hong-Tchang n’aurait pas osé braver, par cette destitution, son adversaire politique le plus redoutable, apparenté à la famille impériale, s’il n’était pas résolu à nous faire toutes les concessions nécessaires au Tonkin, avec l’appui de l’Impératrice auprès du Tsong-li-Yamen, pour mettre fin au conflit de la France et de la Chine.

Il fut alors convenu que l’amiral allait télégraphier à Paris et demander pour moi l’autorisation de répondre à l’appel de Li-Hong-Tchang en me rendant à Tien-Tsin.

Quelques jours après, l’amiral Lespès me faisait appeler pour me communiquer la réponse du ministre de la Marine à sa demande. Elle était telle qu’en m’en donnant connaissance il paraissait ému des responsabilités auxquelles elle m’exposait, car elle se résumait dans l’autorisation qui m’était donnée de me rendre à Tien-Tsin à mes risques et sans instructions.

Je le rassurai, en lui faisant observer que M. Jules Ferry ne pouvait agir autrement ; car il avait manifestement tout à gagner et rien à perdre en me laissant entièrement libre de ma manœuvre. Quant au fait que ma responsabilité personnelle se trouvait, ainsi, seule engagée dans la partie que j’allais jouer