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caché M. Stutz. D’autres, moins belliqueux, m’ont laissé entendre que c’était, en effet, le sentiment qui pénétrait peu à peu dans tous les esprits. Et c’est d’un ouvrier u pacifique » que je tiens ce propos : « Vous avez voulu humilier l’Allemagne : elle ne pourra pas rester sous le coup de l’humiliation que vous lui avez imposée[1]. »


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J’ai demandé aussi à beaucoup d’Allemands ce qu’ils pensaient des sanctions. J’ai recueilli, dans tous les milieux, les plus vives doléances à cet égard Elles sont unanimement regardées comme inconciliables avec l’acceptation de l’ultimatum de Londres. « C’est le maintien de ces sanctions qui est, m’a-t-on dit, la cause principale du redoublement d’animosité dont vous vous plaignez ; elles contribuent aussi à empêcher l’Allemagne d’évoluer vers la démocratie. » — « C’est une mauvaise tactique, me disait un industriel, de vouloir tenir l’Allemagne sous une pression continue du dehors. Vous en serez victimes. » Des réflexions qui m’ont été faites, je dois conclure que le peuple allemand voudrait, tout en payant certaines sommes (le moins possible, bien entendu), qu’on lui laissât les plus grandes facilités pour rétablir sa situation économique, de telle sorte que l’Allemagne, redevenue prépondérante sur le terrain industriel et commercial, put être bientôt en mesure de ton ter avec succès la guerre de revanche si ardemment désirée.

C’est sous l’empire de cette préoccupation que les Allemands fulminent contre les dispositions qui entravent les relations commerciales entre les régions occupées et celles qui ne le sont pas, qu’ils nous accusent de vouloir, contrairement au traité de Versailles, briser l’unité politique en même temps que l’unité économique de l’Empire, qu’ils soutiennent que nous voulons empêcher, d’une façon « inadmissible, » le relèvement du pays.

  1. « Il faut espérer, m’a dit un autre, qu’une autre guerre nous donnera ce que nous n’avons pu obtenir avec celle-ci. » En étudiant les efforts qu’on fait pour former la jeunesse, j’ai constaté qu’on tenait à ce que cet effort pût aussi servir, comme me le disait un des principaux pédagogues de là-bas, à « faciliter nos buts militaires. » « La guerre, écrit M. de Waldeyer-Hartz à propos du procès de Leipzig, est une nécessité. Elle ne peut être justifiée moralement que si on la considère comme un jugement de Dieu, devant lequel toute humanité se rapetisse à d’infimes proportions (Kretizzeitung, 2 juillet 1921). » Les manifestations hostiles à la délégation française ont paru toutes naturelles. On y a vu « l’incarnation de la haine et de la volonté d’anéantissement qui anime la France. »