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ils étaient tant ! Mais nous avons fait pour eux ce que nous avons pu... Ils ont oublié tout cela, sans doute. Leur armée reconstituée est revenue occuper nos régions de l’Est. Ils ont brûlé nos villages. El, depuis lors, ils sont toujours là !

Les Austro-Bulgares envahirent l’Albanie : c’était la guerre déchaînée sur le sol albanais. Les Italiens occupèrent Valona, les Français, Korça (Koritza), et repoussèrent les Bulgares. D’ailleurs, l’action des troupes françaises était désintéressée ; les volontaires albanais le comprirent et combattirent héroïquement à côté d’elles. L’autonomie des Confins albanais fut proclamée sous le contrôle de la France. Ainsi l’on évitait la mainmise des Grecs.

La paix fut signée.

— Mais la paix n’était pas pour nous...

Lorsqu’au début de 1920 à Lushnja, l’Albanie fut proclamée République indépendante, par l’Assemblée nationale, les Grecs demeuraient au Sud, les Serbes à l’Est et au Nord, et les Italiens à Valona... Le pays était appauvri, en partie dévasté, ses routes étaient défoncées et tous ses ponts coupés. Aujourd’hui, les Grecs occupent encore quelques points au Sud. Ils ne semblent pas avoir renoncé à leurs prétentions sur Korça et Argyrokastro...

— Quant aux Serbes, ils détiennent de vastes territoires à l’Est et au Nord, à l’intérieur des frontières de 1913. Ils font de l’agitation chez les Mirdites, ils sont au Tarabosh et menacent Scutari. Voyez à quel point notre situation est désespérée [1] ! Nos villes sont encombrées de réfugiés qui ont fui leurs villages détruits et que nous ne pouvons pas nourrir...

— Mais pourquoi les Serbes terrorisent-ils ces malheureux paysans s’ils prétendent posséder leurs villages ?

Il nous fut répondu :

— Vous connaissez le mot d’un haut fonctionnaire serbe désireux peut-être de jouer les Bismarck... « Les Albanais ont à choisir entre trois alternatives : S’en aller... devenir Serbes... être massacrés... »

  1. Ces lignes furent écrites en octobre dernier. Depuis lors, la situation de l’Albanie s’est améliorée, soit du côté des Grecs, soit surtout du côté des Serbes. Cependant nous avons voulu laisser tel quel ce chapitre, qui est une page — à peine tournée — de l’histoire albanaise.