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une armée turque victorieuse, qui l’adorait. C’est alors qu’on le nomma Scanderbeg, seigneur prince Alexandre... Surprenante divination du peuple qui donnait pour parrain à cet adolescent l’un des plus grands génies militaires qui furent jamais... Sa fortune continua de grandir. Mais lorsque, Jean Castriote étant mort, les Tures occupèrent Kruja, Scanderbeg, brusquement, revint dans ses montagnes. A la tête de trois cents Albanais, il reprit sa ville natale avec la connivence des habitants. Tous les chefs albanais le rejoignirent.

Alors commença cette longue suite d’exploits qui font ressembler l’histoire de Scanderbeg à celle du Cid. Seulement Scanderbeg se battait pour sa patrie et sa religion... Pendant un quart de siècle, cette vallée de Tirana, les chaines du Mati et des Mirdites, Kruja et Petrella, devinrent le bastion toujours victorieux de la chrétienté.

Ce n’est pas à Kruja que devait mourir Scanderbeg.

En pleine lutte, à l’âge de 63 ans, il fut pris de la fièvre à Alessio, au pied du massif des Mirdites.

Couché sur son lit, dit le chroniqueur, il voulait se lever et se battre.

Il remit le soin de son fils au Sénat de Venise et mourut en disant à l’enfant :

« Cultive par-dessus tout la justice, sans acception de riche ou de pauvre, de puissant ou de faible. Environne tes Etats d’un rempart d’amis ; car la vie humaine a besoin d’amitié, comme la terre a besoin de soleil... »


La pierre est chaude sous les rayons du jour déclinant. La forêt d’oliviers, les vagues des collines ondulent avec douceur au pied des pentes abruptes. Le bleu de la mer s’alanguit. Et tout le paysage que contemple la tour trapue est inondé d’une tendresse qui contraste avec les rudes montagnes et la sévère cité sentinelle veillant au pied des parois de calcaire, la cité dont la destinée fixa la destinée de Scanderbeg, et qui avait formé à son image l’âme du héros enfant.

Pour compléter le pèlerinage, on doit monter à Petrella, sur la montagne qui ferme le cirque de Tirana du côté de l’Orient, k l’autre extrémité de cette vallée que commande si altièrement Kruja.

Point de route. On suit à cheval la longue plaine que coupent