Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en avant vers la victoire finale. Il faut d’autant moins regretter l’effort valeureusement consenti que, si, par ici, la percée n’a pas été réalisée, c’est incontestablement à la malchance au sujet des circonstances atmosphériques qu’on le doit. Exploiter la panique, c’est en effet le secret de la victoire ; c’est bien ce qui a eu lieu, mais incomplètement à cause des dites circonstances.

Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on ne réussit pas du premier coup : voir Sébastopol, voir Essling, voir Saragosse, etc. Il n’y a pas d’effort inutile ; cette victoire incomplète n’en a pas moins diminué la confiance des Allemands en eux-mêmes et hâté la fin. Il y a eu peut-être illusion à concevoir une percée immédiate. Pourtant, nous en avons été à doux doigts, et, je le répète, c’est la guigne seule qui l’a empêchée.

Elle deviendra plus difficile, c’est incontestable ; impossible ? que non pas ; et quand même, il y aura, à un certain degré, surprise. Malgré le bombardement préalable de trois jours, n’a-t-on pas cueilli des officiers allemands au lit ?

La future opération sera forcément de plus vaste envergure, exigera une préparation plus longue, une exécution en plusieurs temps, mais il faudra la faire.

« Tenir et se tourner les pouces, » c’est vite dit, mais il faut que celui d’en face y consente ; si on le laisse prendre l’initiative, son moral y gagnera et le nôtre s’écroulera : que dirait-on, en France, si les Boches nous faisaient un beau jour 23 000 prisonniers ? Or, si nous n’avions pas attaqué, c’est eux qui l’auraient fait, ils ne s’en cachent pas, et c’est nous qui aurions peut-être subi la défaite. Leurs portes vont vraisemblablement les en empêcher.

Quant à ne pas chercher en même temps autre chose, c’est différent ; je crois qu’une armée donnant la main aux Russes, en Roumanie, serait une fructueuse opération. Qui sait ? la félonie bulgare nous y conduit peut-être. Mais il faut de l’habileté.

Donc, pas de découragement. Une armée qui prend l’initiative de l’attaque est une armée forte ; si son succès n’est pas complet, il n’en est pas moins glorieux et profitable. Au point où en sont les Allemands dont la démoralisation (je ne parle pas encore des soldats) s’accentue rapidement, la victoire a été considérable : il n’y a qu’à lire leurs longs communiqués, mensongers d’ailleurs, pour s’en rendre compte. La déconfiture de l’Allemagne, partant la gloire de la France, est assurée.