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combattre sur une largeur d’une vingtaine de kilomètres au total !

Mais, plus ses moyens sont perfectionnés, plus il est difficile à l’homme de se battre. Entre deux sauvages, c’est plus facile.


10 août 1916.

La victoire ! peut-être, pour l’acheter, faudra-t-il passer encore de dures journées ; mais, désormais, on peut la considérer comme virtuellement réalisée. Il ne me parait pas possible que l’Autriche se renfloue et que les Boches puissent relâcher l’étreinte qui les meurtrit de plus en plus sûrement.

On est toujours très satisfait, bien que, sur la Somme, la lutte soit âpre, sans résultat autre qu’une usure qui paraît énorme chez l’ennemi. Mais je suis toujours dans la même situation. Quoi qu’on fasse par ici avec le canon, le Boche ne bouge ni ne fait de bruit. Les promenades dans les postes d’écoute deviennent des distractions de désœuvrés ; enfin, ça changera, attendons.


27 octobre 1916.

Je reçois ta lettre du 24 qui me fait présager pour toi la traversée de moments difficiles, pleins de danger, mais pleins d’honneur. Les sentiments que tu exprimes à cette occasion sont ceux d’un noble officier ; ils me rendent fier de toi. Que Dieu t’assiste, te garde à notre affection, qu’il soutienne et couronne des lauriers de la victoire tes chasseurs.

Je le prie avec confiance, tant sa bonté est grande, et j’en espère la joie de notre réunion à tous, dans la fierté du devoir bien accompli. J’ai hâte d’avoir de tes nouvelles, me faisant connaître que l’affaire s’est heureusement terminée pour ton bataillon et pour toi. Je suppose qu’après cette secousse, ta division sera ramenée en arrière ? Combien il sera agréable de s’embrasser après cette épreuve ! En attendant, où es-tu à cette heure ? Ma pensée te cherche, anxieuse, mon affection t’environne ; qu’elle te couvre contre le danger ! Mes prières s’élèvent, plus ardentes vers le Maître de la vie, afin qu’il te sauve, cette fois encore.

Je t’embrasse, longuement, de tout mon cœur [1].

  1. Cette lettre n’a pas rejoint son destinataire, blessé et fait prisonnier sur la Somme, dans l’affaire à laquelle elle fait allusion.