Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


12 septembre 1918.

... Je me faisais des réflexions identiques aux tiennes quelque peu inquiètes, lorsque, je reçois ce message du maréchal Foch : Thiaucourt est pris !

C’est splendide. Voilà la poche de Saint-Mihiel vidée d’un coup et nous allons avoir une bonne base pour agir contre Metz et le bassin de Briey. Décidément, Dieu est avec nous.

En prévision (parait-il) des succès à exploiter, je suis mis en réserve à la date de demain. Il n’y avait plus place, en effet, pour deux, par ici, et je suis depuis plusieurs jours déjà à la barrière qui m’était assignée comme limite de ma course [1]...

... Où irai-je ? c’est l’inconnu : toutes les cervelles sont aux champs...


6 octobre 1918.

... Le récit de ton voyage à travers les Flandres m’a vivement intéressé. Je suis heureux de savoir que ces coins si jolis de la pauvre Belgique qui se voient autour de Furnes ont conservé leur physionomie si particulière. Tu évoques avec vérité l’aspect des lieux, le caractère général du pays dans sa mélancolique lumière. J’ai revu avec exactitude Hochstædt, Hondschoote, Nordwleteren, Wœsten... la Lovie.

Ce que tu me dis de l’armée belge est extrêmement intéressant. Qu’il est heureux pour sa renommée que ce soit sur une rentrée en action de ces braves gens que les Boches se mettent à genoux !

Pour ce noble petit pays, quelles glorieuses pages de son histoire que le premier et le dernier jour de la guerre !

Car c’est la fin. En demandant l’armistice, le Boche avoue sa défaite. Ou il acceptera nos conditions qui, je l’espère, seront les exigeantes sanctions que nous sommes en droit d’imposer, — ou, les trouvant trop lourdes, il tentera un coup de désespoir. Dans ce dernier cas, ce sera Iéna, car il n’est pas d’armée qui puisse croire à la victoire après un pareil aveu.

Je croirais plutôt que le Boche ne voudra pas compromettre le prestige de ses armes. Et puis il aura besoin de son armée pour maintenir ses institutions. Oui, j’ai grand peur que nous n’ayons pas la joie de la victoire écrasante, après laquelle le vaincu est en complète agonie.

  1. Ligne Hindenburg, devant Saint-Quentin.