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Mach a résumé son point de vue célèbre, et si longtemps considéré comme paradoxal, en ces termes : « En fait, nous ne pouvons déterminer de directions et de vitesses que dans un espace dont les points sont caractérisés directement ou indirectement par des corps donnés... Certains contradicteurs sont d’avis que l’on nie le mouvement absolu pour la raison que l’on croit ne pouvoir se le représenter... La représentabilité et la reconnaissabilité du mouvement absolu ne doivent pas être confondues : seule la seconde manque. Mais l’investigateur de la nature ne s’occupe précisément que de la reconnaissabilité. Ce qui n’est pas constatable, ce qui n’a pas de marque sensible n’a pas de signification dans la science. Il ne me vient du reste pas à l’idée de mettre des limites à l’imagination d’un homme... Mais on ne peut mesurer à l’aide d’aucun étalon l’espace de l’illusion. »

Le mathématicien Neumann, partisan de l’espace absolu et qui avait même donné un nom (le corps Alpha) au repère absolu... et hélas ! inobservable, auquel il rapportait tous les mouvements, fit à Mach l’objection suivante : si on se représente un astre animé de rotation et par conséquent soumis à des forces centrifuges et aplati, nous ne pourrons rien changer à ces circonstances en supposant la disparition de tous les autres astres ; le corps céleste en question doit continuer à tourner et à rester aplati. Mais si le mouvement de rotation n’est que relatif, l’aplatissement devrait disparaître en même temps que le reste de l’univers, ce qui parait inconcevable.

A cela Mach a répondu très fortement par des arguments qu’on peut résumer ainsi : 1° on ne peut pas faire cette expérience qui consiste à faire disparaître tous les corps de l’univers à l’exception d’un seul et par conséquent savoir ce qui se passerait et qui a raison ; par conséquent, cet argument est métaphysique et sans intérêt pour la physique ; 2° il y a quelque chose de bien invraisemblable, physiquement parlant, dans le raisonnement de Neumann, c’est que l’ensemble de tous les corps de l’univers est sans influence sur l’un d’eux.

En somme, conclut Mach, « exclure le mouvement absolu, revient à écarter ce qui est dépourvu de signification physique. »

Tel est, brièvement résumé, le rôle joué par ce puissant précurseur dans la genèse de la théorie de la relativité et, plus particulièrement, dans l’aspect nouveau sous lequel celle-ci va nous montrer le problème de la rotation terrestre.