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alors que la règle devrait être de « ne réserver d’autre place à l’inédit que celle qu’il aurait dû avoir, s’il était déjà imprimé. » Mais plutôt que de le lui reprocher bien sévèrement, je serais un peu tenté, je l’avoue, de regretter, en ce copieux volume, l’absence complète de toute note et de toute référence. On nous dit, je le sais bien, que « la collection ne comporte pas d’annotations, » et l’on nous promet, « si les circonstances le permettent, » la publication d’une bibliographie de Lamennais. Voilà l’auteur entièrement justifié. Mais l’éditeur, lui, n’a-t-il pas trop aisément cédé à certain préjugé à la mode qui, de proche en proche, semble aujourd’hui gagner jusqu’aux publications les plus savantes ? Sous le fallacieux prétexte qu’on a trop abusé des appareils bibliographiques, que ce luxe de notes au bas des pages n’est trop souvent qu’un trompe-l’œil, — ce qui est quelquefois vrai, — et qu’il faut abandonner aux pédants d’outre-Rhin ce ridicule déploiement d’érudition inutile qui rebute le grand public, on supprime, de propos délibéré, dans les ouvrages de critique et d’histoire, toute annotation, toute référence ; on prive les travailleurs de leurs moyens naturels d’information et de contrôle ; on les force à faire confiance à des esprits qui, sans doute, sont la probité même, mais qui enfin peuvent se laisser aller à quelque légèreté et à quelque paresse... Il serait pourtant si simple aux lecteurs qui n’aiment pas à descendre au rez-de-chaussée de rester au premier étage !

Ces observations ne s’appliquent pas à M. Duine qui est le plus consciencieux des historiens, qui, s’il en eût été le maître, nous eût libéralement fourni toutes les indications positives, tous les moyens de vérification que nous eussions pu souhaiter, et qui d’ailleurs nous les fournira quelque jour. Je ne crois pas que les « mennaisiens » les plus avertis puissent aisément le prendre en flagrant délit d’information insuffisante ou inexacte. Et de même sa critique, très prudente et très sage, réalise fort bien l’idéal d’impartialité auquel elle vise. Sa grande sympathie, — catholique et bretonne, — pour Lamennais ne l’empêche point de signaler les défauts et les défaillances de son héros et de déplorer les erreurs de ce dernier. Au reste, il est plus préoccupé de laisser parler les faits que de juger et de condamner. Peut-être même lui arrive-t-il, par excès de scrupule historique, quand les faits, insuffisamment connus ou insuffisamment établis, ne parlent pas assez d’eux-mêmes, de