Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus digne de Minerve » et qui ont leur véritable beauté dans la double méditation de l’amour et de la mort :


Aminte. il faut penser qu’en un coffre sévère
Un jour seront enclos
Ces membres qui sont vifs comme sous la lumière
Les plus jeunes ruisseaux.
Et déjà tu le sais, sous des terres diverses,
Herbe, sable ou rocher,
Tant de corps que fondit un amoureux commerce
Dans l’horreur sont couchés...


Une époque plus digne de Minerve l’eût blâmé de mettre à la rime indifféremment le pluriel ou le singulier, mais eût vanté sa jolie adresse, un choix très juste et fin des mots, le rythme parfait, la vive péripétie du poème, le sentiment discret, et enfin le jeu d’écrire en vers mené à l’exquise rouerie.

Si M, André Thérive est gai ou triste ? Je le devine ou crois le deviner un homme que la littérature enchante, ou gaie ou non, selon les jours et que, d’une manière ou de l’autre, elle amuse.

Je l’aime donc ! Je n’aime pas tant d’écrivains que nous avons et qui ont l’air morose. Il suffit de les lire, on sent qu’ils ont peiné sur l’ouvrage. Leur gentil métier ne leur donne point d’allégresse : que leur faut-il ? Ou bien, ils sont guindés : l’art d’écrire leur parait une futile besogne et tant inégale à ce qu’ils songent qu’au soin de la littérature ils ajoutent maints propos ambitieux ou éloquents. Les voilà prêcheurs ou partisans, refrognés, malheureux, dérisoires.

Au contraire, M. André Thérive est content. Une idée qui l’a séduit l’emmène. Et il n’a point, comme les sombres gens que je disais, peur des idées, fussent-elles parfois périlleuses.

Peut-être doit-il cette agréable sécurité à une agilité d’esprit qu’il a et qui lui promet le salut par la fuite ou par les détours opportuns. Plutôt encore, s’il n’est pas craintif ou poltron, c’est qu’il a ses doctrines ou préférences fixées depuis longtemps : il baguenaude avec liberté aux alentours, sûr de ne pas se perdre.

Le sujet de son premier roman, l’Expatrié, eût alarmé d’autres écrivains, parmi ceux-là même qui font grand bruit de leur audace : des étourdis, et fastueux. L’expatrié, c’est l’histoire d’un garçon qui, dès la guerre déclarée, se dégage de son pays, s’établit en dehors de la mêlée, dans une idéologie, à l’abri des coups. Un lâche ? S’il était exactement un lâche, il ne mériterait aucune attention, nulle pitié, ni