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légèrement accidenté. Là partout des vignes très belles, de vastes bananeraies, des arbres tropicaux de belle venue. Nous voici à Santa Brigida, dans un hôtel anglais, car les Britanniques fréquentent beaucoup les îles fortunées, au ciel clément, pommelé de gros nuages blancs floconneux, — le ventre d’ânesse, — qui tempèrent les ardeurs du soleil et ne se résolvent presque jamais en pluie, au climat toujours égal, à la végétation puissante et variée, qui, selon l’attitude, produit tous les fruits du monde. Comme toujours, ils se transportent parallèlement à eux-mêmes, avec toutes leurs habitudes de table et de confort, breakfast, thé, luncheon, et aussi bains-douches et propreté méticuleuse. Nous déjeunons là puis nous descendons par une excellente route sur le versant Nord-Ouest. Vue merveilleuse de l’Atlantique, volcans éteints, villages de troglodytes : la promenade est charmante.

Au retour, nous visitons la chapelle où Christophe Colomb pria avant son départ pour la découverte de l’Amérique, puis la cathédrale de lave grise, très sévère. Les chanoines nous montrent des ornements d’église de toute beauté, et de la plus grande richesse. Il y a des brocarts et des soies des XVIIe et XVIIIe siècles qui sont merveilleux. La soierie de Lyon triomphe ici, comme partout, je pense.

J’emmène nos hôtes si aimables dîner à bord du Jules Michelet et la soirée se termine par un bal au Club Naval de la Luz, où nos jeunes enseignes de seconde classe (c’est ainsi qu’il faut appeler les aspirants, depuis que le ministre de la Guerre a usurpé ce titre réservé à la fine fleur de la jeunesse pour en gratifier des sous-officiers très anciens) ont le plus grand succès près des belles Canariotes. Les mamans suivent avec indulgence l’évolution des danses modernes, auxquelles une application un peu laborieuse enlève ici toute outrance. Ce monde très « comme il faut » rappelle beaucoup celui d’une ville française du Midi, dans un salon très correct et un peu fermé. Dans un coin de la grande salle, une société anglaise assez nombreuse est groupée bien à part. Elle m’accueille avec une cordialité significative.

Dans l’après-midi nous avons acheté quelques souvenirs que nous rapportons à bord, surtout de ces curieuses dentelles dites ici « de Ténériffe, » vastes nappes ou dessus de lit, analogues à celles dont les Espagnols ont introduit la fabrication sur toutes les mers, et particulièrement aux Antilles et aux Philippines ;