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Puis nous allons sur la Savane assister au défilé des anciens combattants. La Savane est une vaste place justement célèbre ; des avenues l’entourent avec des palmiers royaux au tronc lisse, fuselé, que couronne, très haut, un bouquet de palmes légères. Les tribunes sont élevées sous des tamariniers centenaires, près d’une belle statue de Joséphine en marbre blanc, et qui, malgré sa couronne, montre plus de grâce que de majesté : c’est tout à fait ainsi qu’on se l’imagine. Le Président de l’Association me dit les sentiments de tous les combattants pour la Patrie, pour leurs anciens chefs ; je réponds brièvement ; puis le défilé commence par les élèves de toutes les écoles, laïques ou congréganistes ; les mutilés toujours émouvants ; les anciens combattants ; enfin les diverses sociétés de la ville. Pendant trois jours les réjouissances se prolongent, fête sportive dans le cadre magnifique de la Savane, avec des concours de toute sorte, régates et courses de pirogues ou de natation sur la rade, bataille de confetti, cinéma, concerts, retraite aux flambeaux, etc. .

Le premier jour, un grand banquet nous est offert à l’hôtel de ville sous la présidence du Gouverneur ; le lendemain, représentation au théâtre municipal. Les programmes nous sont présentés par de toutes jeunes filles qui portent le costume traditionnel de la Martinique, robes de taffetas, fichus croisés sur la poitrine, colliers d’ambre et de grains d’or, bijoux en filigrane, madras coquettement posé sur la tête, avec un petit nœud de côté dont les coques poignardent le ciel : c’est la coiffure que Joséphine Tascher de la Pagerie a continué de porter comme vicomtesse de Beauharnais et même comme générale Bonaparte. Ces jeunes et charmants visages portent des mouches assassines du plus étonnant effet.

Nous entrons dans la salle, qui se lève ; une belle grande fille s’avance sur la scène et dit le Barrage, par Edmond Rostand :


Le général Mangin m’a raconté ceci ...


Puis nous assistons à une petite opérette d’Adam, jouée par une troupe et un orchestre d’amateurs que dirige une jeune élève du Conservatoire revenue depuis peu au pays.

La soirée se termine par une réception à l’hôtel de ville, très ouverte, où je prends vraiment contact avec la population.